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PASSAGE A TABAC II (7 tests prévention tabagisme)

Journée Mondiale de lutte contre le sida : 1er décembre 2004

Contact Phil Marso : 01 45 88 48 34

E.mail : megacom@noos.fr
N°1 - Si...d'aventure ! (Prévention sida) N°4 - M.S.T. en cavale (Prévention maladies sexuelles)

numero4B.jpg (15549 octets)

Fil Santé Jeune : 0 800 235 236 anonyme et gratuit

N°2 - Mortel Cinoche ! (Le cinéma en France) N°8 - Présumé Animal ! (Refuge d'animaux)
N°3 - Passage à tabac (Prévention tabagisme) N°9 - Petits crimes en herbes (Nains de jardin)
N°5 - Le Regard qui tue ! (Handicapés physiques) N°10 - I.V.G la peur au ventre (L'avortement en France)
N°12 - Echafaud pour Alcoolo ! (Alcoolisme) N°11 - Tueur de portable sans mobile apparent
N°7 - Silence ! On meurt... (Bruit de voisinage) Les rencards de Phil Marso

Les Morgouilles (L'équilibre alimentaire - A partir de 11 ans)

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SI...D'AVENTURE ! de Phil Marso

La jeune femme se sécha les yeux et me dit :

« Vous êtes John Wilson Bred ? Le détective dont on ne parle que dans la rubrique Demande d’emploi ?

– Ouais, vous avez quelque chose à me proposer ?

– Si on prenait un café chez moi ? J’ai peut-être une affaire pour vous.

– OK, mais si ça me coûte 3 000 francs, je ne marche pas.

– Comment avez-vous deviné ?

– Les filles dans ton genre, je les renifle à 100 mètres. Dans mon job, on apprend à repérer les nanas qui changent de petite culotte six fois par jour. Je vais te dire, toi, tu sens pas le dernier arrivage de Pornic. Tu respires trop la poule de luxe. »

Arrivés chez elle, nous reprenions la conversation autour d’une tasse de café bien chaud.

« John Wilson Bred, je suis… euh…

– Allez, me fais pas un dessin. Un strip-tease me suffira.

– Bon ! Je suis call-girl.

– Laisse-moi deviner ton petit nom. Euh… Lola ? Marlène ? Claire ?… Et puis non, ça doit être Nicole.

– John, vous êtes dans l’erreur. Mon prénom est Angélique, mais les clients me surnomment Banque de Sperme.

– Ça, c’est original !

– Disons que cela assoit la notoriété sur le lit d’une chambre d’hôtel. J’aimerais faire appel à vos services.

– Et mes sévices ne vous emballent pas ?

– Non, j’ai déjà assez donné. Voilà… Il y a quelques années, j’étais avenue Montaigne. Je me suis fait cambrioler sans me rendre compte de rien.– Vous avez une idée sur l’auteur du cambriolage ?

– Oh oui… Je crains que ça ne soit Gégé, plus connu sous les initiales HIV. Pourtant, j’avais pris les précautions nécessaires. J’avais misé sur le système d’alarme Capote-Swing, le plus répandu et mis en place à chaque retrait des clients. C’est en allant faire une petite déclaration anonyme qu’on a détecté chez moi le vol de milliers de perles de globules blancs. C’est la catastrophe ! Avec cette perte, j’ai maintenant la mort aux trousses. Je m’étonne que Gégé ait pu s’introduire sans que je m’en rende compte. Pouvez-vous m’aider à éclaircir cette énigme, John ?

– Ma foi, on peut toujours commencer par une descente de braguette. »

Après deux heures d’inspection minutieuse, je considérai que ma fouille de fond en comble apportait une certitude. Banque de Sperme avait une protection rapprochée de latex. Pas la moindre fuite d’effraction ! À coup sûr, la NF (Norme Française) était mise hors de cause. Normal, le vigile Produrex m’apportait son témoignage :

« J’ai tout vu, tout entendu et je n’ai rien constaté de suspect. C’est impossible qu’on ait pu pénétrer sans faire de casse. Forcément, j’aurais tout de suite localisé le courant d’air. »

(...)

Je pris mon imper, la pluie ne cessait de tomber depuis deux bonnes heures. Je me rendis à la sortie du lycée Pasteur afin d’appréhender Willy. J’en avais mal aux tripes de penser que ce môme de 17 ans avait pu faire le coup. Devant un verre d’Orangina, Willy me raconta son aventure avec Banque de Sperme.

« Voilà, j’avais la honte ! Puceau encore à mon âge, c’était invivable. Les potes se moquaient de moi. L’humiliation a été à son comble quand ils ont organisé une quête pour que je me paye une professionnelle. Ils avaient réuni 1 500 francs.

– Avec ce fric, tu devenais un client potentiel pour Banque de Sperme. Raconte-moi en détail ton dépucelage.

– J’ai été voir Banque de Sperme, qui paraissait assez fatiguée. Elle somnolait.

– Il était quelle heure ?

– 18 heures. Je suis d’abord monté sur la pointe des pieds pour mater son comptoir. Elle avait une sacrée paire de miches. Je lui ai glissé les 1 500 francs entre les seins pour qu’elle prenne en compte ma demande urgente. J’ai commencé à lui téter un mamelon.– Le gauche, le droit ?

– Je sais plus… Mais je suis resté un long moment dessus. C’était doux et chaud à la fois. Puis, elle m’a pris la main pour me faire visiter la salle des coffres.

– La foufoune ?

– Oui, c’est ça. Ma langue a descendu lentement les escaliers. J’ai pris un peu de souffle à la hauteur du nombril, puis, tout en descendant, j’ai tourné autour de ses hanches.

– Excitant, tout ça ?

– Pour moi, c’était la première fois que je visitais les sous-sols du désir. J’étais complètement dingue ! Elle m’a attrapé par les cheveux, puis a fourré ma tête entre ses cuisses. Ma langue a défriché son jardin secret.

– Je vois. Tu as fait la pose Cunnilingus. Mais est-ce que Banque de Sperme s’est protégée par un film alimentaire, style Cellophane ?– Oh non… J’avais faim. Elle m’a servi son plat chaud d’entrée. C’était bon ! Par contre, Banque de Sperme était apparemment habituée au plat du jour. Elle aurait pu faire un mot-croisé.

– Ensuite…– Elle m’a demandé de me déshabiller vite fait. J’avais la verge dure comme une barre de fer. Je crois que j’étais capable de servir de crique. Je suis monté au septième ciel.

– Protégé par le système Capote-Swing, j’imagine ?

– C’est quoi ?– Hein ? Tu ne sais pas ce que c’est ? Banque de Sperme t’a pas équipé pour ?

– Non, elle m’a dit simplement : Willy, c’est la première fois… je risque rien avec toi. »

J’étais complètement anéanti par cette révélation. Willy était bien l’auteur du cambriolage. Je consultai son casier pour que le doute ne soit plus permis. On me signala que Willy se faisait une transfusion sanguine régulièrement… Rude journée pour un détective. Je dus annoncer mon succès à Angélique.« John, tu as démasqué le coupable ?– Ouais ! C’était Willy.

– Comment a-t-il fait son compte ?

– Angélique, tu me fous les nerfs ! Comment as-tu pu te laisser piéger aussi bêtement ? Voilà qu’un môme de 16 ans vient te voir pour te révéler qu’il est encore puceau, et toi, tu laisses la porte grande ouverte.

– Mais c’était sa première fois ! Je ne risquais rien avec lui…

– Justement ! Il suffit d’une fois… Et hop ! HIV en fait son affaire. Tu t’es vraiment comportée comme une débutante !

– C’est impossible ! Il est innocent.

– Là, sur ce point, je ne te désavoue pas complètement. Willy a été victime du sang contaminé. Le problème, c’est que lui ne le savait pas. Mais en revanche, tu peux ne t’en prendre qu’à toi-même. C’est l’enquête la plus pénible que j’ai faite de toute ma carrière de privé. Laisse tomber pour ma thune, tu vas payer le prix fort. »

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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BON DE COMMANDE

MORTEL CINOCHE ! de Phil Marso (Epuisé !)

" - Qu'est-ce que vous foutez-là John Wilson Bred ? Pas encore mort à cette heure-là ?".

Je me retournai pour découvrir le cinéphile de l'immeuble, un certain Max Lumière. En pyjama, style "Evadé d'Alcatraz", il trainait un sac poubelle. Il me renseigna sur le programme.

" - Vous connaissez la nouveauté de la semaine ?

- Non ?

- Il y a eu un meurtre au cinéma de quartier "L'Eclipse".

- Ah bon... Qui a été supprimé ?

- Le Public !

- Ca l'affiche mal....

- Faites-moi une fleur John... Trouvez-moi le coupable.

- Si ça fait recette, j'y cours".

Il était exactement 11h01 ce jeudi,quand je me suis présenté devant le cinéma "L'Eclipse". Les portes étaient condamnées. On pouvait lire l'écriteau suivant : "Fermeture pour cause de travaux". Un bon moyen de ne pas attirer l'attention sur le drame qui s'était déroulé la veille. Je franchis la porte du bureau du directeur du cinéma, situé juste au-dessus de l'unique salle de projection. D'habitude, c'est le genre de personnage qui vous accorde un entretien court-métrage. Mais là, la situation était trop grave pour prendre rendez-vous un mois à l'avance. Gil Fouzard déchira ma carte de visite avant de me faire entrer dans la confidence.

" - Excusez-moi, c'est l'habitude... Il m'arrive de déchirer les tickets de cinéma.

- Pourrais-je voir la tête du "Public" ?

- Vous m'embarrassez, John Wilson Bred. Figurez-vous, qu'on n'arrive pas à mettre la main dessus.

- On m'a parlé d'assassinat, vous, vous m'annoncez une disparition. Il faudrait savoir.

- La rumeur "économique" grossit toujours les drames de notre profession. Chaque année, on dit " - Le public survivra-t-il ?". Tout ce que je sais...c'est que "le public" était là, ce mercredi. On l'a vu entrer. Mais jamais ressortir. Il s'est passé quelque chose. J'ail'intuition qu'il y a eu un crime dans nos murs.

- Qu'est-ce que c'est cette embrouille ?

- Le cinéma français, Monsieur John. Mais... Je peux bien vous accorder une interview pour la promo de cette énigme.

- Ok ! A quelle heure remonte le soit-disant crime selon-vous ?

- 14h, 16h ! Peut-être même 18h ou 20h. N'écartons pas le 20h, 22h. Même si minuit est plus propice au crime. Tout ce que je peux affirmer, c'est que "le public" a été flingué à l'une de nos séances.

- Avez-vous trouvé sur les lieux une hypothétique arme du crime ?

- Ecoutez ! Je suis exploitant de salle, pas accessoiriste. Les effets spéciaux, ce n'est pas de mon ressort".

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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PASSAGE A TABAC de Phil Marso

3h30. On me traîna jusque dans le commissariat. Mafoin m'expliqua la situation.

" - A minuit, on a coincé un type qui était en train de se débarrasser d'un sac-poubelle.

- Et alors, où est le problème ?

- Le sac contenait des mégots de cigarette.

- C'est un délit ?

- Ouais ! Depuis un mois, on le planquait.

- Je vois, il était sous surveillance médicale.

- Exact !

- Vous craigniez pour son bulletin de santé ?

- A vrai dire, nous pensions qu'il allait craquer tôt ou tard.

- Et alors ?

- Il est en garde à vue depuis 24h. et à notre plus grande surprise, il n'a montré aucun signe de dépendance à la cigarette.

- Peut-être qu'il a arrêté ses conneries de délinquance tabagique.

- On ne voudrait pas le relâcher dans la nature comme ça.

- Ca vous énerve les types qui respirent la santé ?

- Non ! On voudrait être sûr qu'il est guéri".

Page 3

L'homme était assis sagement sur un tabouret, en slip et maillot de corps, devant un bureau. Ses mains portaient des gants marron. Je m'assis face à lui. Je tombais l'imper, et extrayai de ma veste noire un paquet de cigarettes. Je le regardai droit dans les yeux. Le suspect m'adressa un sourire ironique. Je lui tendis une cigarette par pure provocation.

" - Vous voulez que je craches mes tripes ?".

(...)

De retour dans la salle de "radiologie" j'ouvris l'épais dossier. Il y avait de quoi s'y perdre. Le mieux était de tout reprendre à zéro.

" - Je crois que c'est le moment de faire les présentations.

- Bien... Vous êtes qui ?

- John Wilson Bred, détective.

- Vous êtes détecteur de fumistes ?

- Oh ! C'est moi qui pose les questions.

- O.k. ! Docteur.

- C'est quoi votre nom ?

- Bob Cancéro".

- Vous êtes né où ?

- Longwy.

- Vous aviez déjà de sacrés antécédents à la naissance.

- Que voulez-vous dire John Wilson Bred ?

- La Loraine, ses mines de charbon, leur fameux coups de grisou.

- J'étais en transit. Mes parents sont partis en région parisienne pour chercher du travail.

- Des parents alcooliques ?

- Pas plus que la moyenne.

- Vous avez suivi une scolarité normale ?

- Pas vraiment !

- Déjà sur une voie de garage.

- Je ne m'entendait pas avec mes vieux.

- Ils vous ont collé à l'internat ?

- Ouais ! A l'âge de onze ans.

- C'était où ?

- Dammartin sur Tigeaux, en Seine-et-Marne.

- C'est en pleine brousse.

- J'ai carrément changé d'air.

- Vous avez pourtant profité de cette séparation pour faire votre première tentative ?

- Malgré les grands espaces, on ne pouvait pas traîner dans le bled. J'ai franchi l'interdit en faisant le mur.

- Pour faire quoi ?

- jouer le dur en chourrant dans la boulangerie du bled.

- La clope au bec ?

- Non ! on était discret dans la bande. Jamais en pleine action.

- Quand ?

- Au moment de partager le magot.

- Vous avaliez la fumée ?

- Pas encore. J'étais trop occupé à bouffer mes carambars, réglisses et toutes autres saloperies.

- Ca a duré longtemps cette clandestinité ?

- Six mois. Jusqu'au jour où ma mère a surpris mes activités nuisibles.

- Vous vouliez devenir un homme ?

- Je l'étais déjà !

- Comment le père a pris la chose ?

- Il s'est écrasé !

- Votre idole était John Wayne ou Lawrence d'Arabie ?

- Je ne vois pas le rapport.

- Moi si. Vous avez dû être influencé par le cow-boy dans la prairie.

- Trop légère comme image de marque, moi, je préfère la dure loi du désert.

- Et vous avez continué à fumer ?

- Deux ans.

- Et après ?

- Rien ! Jusqu'à l'âge de 17 ans.

- Qu'est-ce qui vous a motivé pour interrompre ce vice ?

- Les meufs ! Au départ, ça fait classe ! T'en jettes un max, jusqu'au jour où ta réputation est faite.

- Quelle réputation ?

- Pue de la gueule ! Elles se barraient dès que j'étalais mes dents jaunes sous le couvert de ma bouche d'égout".

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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BON DE COMMANDE

M.S.T EN CAVALE de Phil Marso

Mafoin desserra sa cravate et but d’un trait le verre de cognac que je lui avait versé. Il fit la grimace.

" - C’est du costaud ! " lui dis-je.

Il reposa le verre.

" - John, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer.

- Laquelle ?

- H.I.V. dit Gégé, est dans la nature.

- Encore ! Vous ne l’avez pas coincé depuis l’affaire : "Si… d’aventure" ?

- Non ! On le recherche depuis 1993.

- Vous finirez bien par l’avoir. N’est-ce pas l’ennemi public N°1 ?

- Certes, on est sur nos gardes. Mais, il y a un fait nouveau.

- Lequel ?

- Gégé prépare un coup.

- Et alors, on sait comment le neutraliser avec le système "Capote-Swing".

- O.k. ! Mais il n’est pas tout seul cette fois-ci.

- Que voulez-vous dire ?

- Il fait équipe.

- Avec qui ?

- Une bande de M.S.T.

- Mince ! Je croyais qu’on les avait tous emprisonnés.

- Très juste. Mais ils se sont évadés cette nuit.

- Eh bien sûr la population n’est pas au courant.

- Ouais ! L’information est difficile à faire passer.

- Pourquoi ?

- Déjà avec H.I.V. on a du mal. Mais alors, si on balance tout sur les autres risques, cela va être la panique.

- Je comprends. On ne peut pas mettre un vérificateur dans le slip de nos concitoyens.

- Bien jugé, John. Mais on a tout de même un tuyau.

- Lequel ?

- On sait que Gégé et sa bande de M.S.T. vont s’attaquer à la "Banque de France".

- Carrément !

- Ouais !

- On dit qu’elle est inviolable, Mafoin ?

- Bien sûr.. Sauf au moment de son consentement.

- Quel consentement ?

- Quand elle accepte d’avoir des rapports de transfert de fonds.

- Ah… Et c’est pour quand, le prochain ?

- Bientôt !

- C’est vague…

- Je sais. Mais elle ne se donne pas sur la voie publique.

- Je comprends.

- On a juste le nom de son partenaire.

- C’est qui ?

- Il s’appelle Mac Dollar.

- Ils s’aiment ?

- Disons qu’il y a des hauts et des bas.

- Quand est-ce qu’ils vont se rencontrer ?

- Prochainement… Car le capital confiance est au beau fixe entre eux.

- Bien ! En quoi je peux être utile, commissaire ?

- Je compte sur vous, John. Vous devrez les surveiller pendant leurs échanges, nuit et jour. Les M.S.T. peuvent s’y introduire incognito. A vous de les dissuader d’être de la partie.

- Quelle partie ?

- Jambe en l’air, avec bourse en prime. "

 

4 heures du mat’ - Quelque part dans la ville loin des regards indiscrets, la lumière d’une ampoule surplombe une table rectangulaire dans une immense pièce vide. Neuf personnes silencieuses fixent prudemment le boss. Lui, il était assis en bout de table :

" - Bon, les gars si vous êtes libre se soir, c’est que je l’ai décidé. Pigé ! "

Tous répondirent : " O.K. ! "

Il déposa son cigare dans le cendrier. La réunion fut ouverte.

" - Je sais, vous aller me demander ce qu’un caïd comme moi peut bien foutre avec une bande de branleurs de seconde main ? "

L’un d’entre eux rompit le silence :

" - Je ne te comprends pas Gégé. T’as toujours joué en solo. Qu’est-ce qui te prend de nous réunir à ta table ?

- T’as rien contre, quand il s’agit de baiseness ?

- Non ! Je suis partant.

- Écoute, Mycosio, j’ai un plan !

- T’as pas besoin de nous, alors…

- Si ! Les flics m’ont trop à l’œil en ce moment.

- Et alors, même si ta marque H.I.V. est repérée… Tu fais toujours autant de dégâts qu’il y a une vingtaine d’années.

- Peut-être… Mais cette fois-ci, je m’attaque à un gros morceau : La Banque de France ! "

A la prononciation de l’objectif, tous sursautèrent.

" - Tu plaisantes, Gégé ?

- Non !

- C’est trop risqué comme coup.

- Je sais. Si je me ramène tout seul, il vont sentir le coup venir. C’est bien pour ça que j’ai besoin de vous.

- Tu pourrais employer les moyens habituels.

- C’est ça ! Je sors mon flingue sans mettre le capuchon du silencieux au bout. Et je rentre tout seul. J’ai plus qu’à éclabousser et tout se termine dans un bain de sang. Sauf que vous oubliez une chose : Banque de France, c’est pas n’importe qui. Elle a une protection rapprochée du nom de "Capote-Swing". J’aurais même pas fait un premier pas que déjà en voyant ma gueule, le signal d’alarme retentira.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça, Gégé ?

- On me demandera mes papiers dès que je serai en salle d’attente. Et vous savez très bien que les formalités en préservatif c’est pas mon style.

- C’est sûr, Gégé ! Tu vas te faire gauler !

- Mais vous ! On ne vous connaît pas assez. Les médias ne parlent pratiquement pas de vous. C’est à peine si les flics et le reste savent que vous existez.

- C’est vrai, Gégé ! C’est toi qui tire toute la couverture.

- L’union sacrée est de mise pour faire le casse du siècle.

- Qu’est-ce qu’on gagne dans cette histoire, Gégé ?

- La notoriété, mon gars. Je te garantis qu’après, ça facilitera bien des choses.

- Quoi ?

- De savoir qu’il y a un paquet d’associations 1901 qui s’intéressent à toi. Et alors, le moment de gloire, c’est quand on décrète une journée internationale rien que pour ta cause. Le pied ! Ce jour-là, t’as enfin ton jour de congé annuel. Tu peux te reposer. Et les 364 jours suivants, tu bosses comme un dingue !

- T’es cynique, Gégé.

- Non ! Réaliste. Je te donne un exemple concret. Tu sais que tel jour, c’est l’anniversaire d’un type que tu connais. Tu vas jouer le mec enthousiaste pour la circonstance. Même que ce jour-là, tu vas profiter de lui pour lui piquer du fric. Une fois la soirée terminée, tu peux être sûr d’une chose.

- Laquelle ?

- Le lendemain, tout le monde retournera à ses occupations. Basta ! "

Gégé reprit le cigare pour s’en taper une bouffée. Une fois réalisés, deux, trois ronds de fumée dans l’air, satisfait, il continua son exposé :

" - Je vous assure les gars, il y a un bon coup à faire dans cette histoire. "

Tous approuvèrent de la tête, sauf le sceptique de service."

- Mycosio, t’es des nôtres ?

- Ben ! Ouais…. Mais j’imagine que t’as déjà établi un rôle pour chacun d’entre nous.

- Tu vas rire, mec ! J’ai pas de plan.

- Pas de plan ? " s’étonna Mycosio."

- Non ! Justement, c’est ça le plan. Les flics ne vont pas s’attendre à ce coup tordu.

- Gégé ! Ça c’est fort !

- Il y a juste un détail à régler avant de faire le braquage.

- Quoi ?

- J’aimerais connaître vos réelles compétences. Ce que vous êtes capables de faire. Parce que, je dois vous l’avouer. Je suis comme Monsieur-Tout-Le-Monde. J’ai vaguement entendu parler de vous. Mais sans plus.

"Mycosio ironisa :

" - Eh bien, il faudrait nous fréquenter plus, Gégé.

- Ok ! La seule chose que je sais, c’est que vous êtes des petits délinquants en herbe qui passez la tondeuse chez ces dames.

- Certains d’entre nous ne se contentent pas de faire que ça.

- Je sais Mycosio ! Je vais vous désigner du doigt un par un. Quand ça sera votre tour, il faudra me déballer tout votre attirail. "

Gégé claqua des doigts. Un type entra, un classeur à la main. Il l’ouvrit et en extrait des feuillets.

" - Charlie, vous pouvez distribuer le plan de "Banque de France" à nos lascars. "

Chacun d’eux reçut une feuille sur laquelle se trouvait un dessin explicite. Bien sûr, il y avait toujours un enfoiré qui n’entravait rien. "

- Euh… Gégé ! C’est quoi ?

- Un vagin, idiot ! Mais pour les commodités de la chose nous le désignerons par : la chambre forte. Vous avez une heure pour étudier la question. A mon retour, vous me direz ce que vous comptez faire de vos dix doigts. "

Gégé s’apprêtait à se lever quand Mycosio fit une remarque :

" - Il n’y a pas de morpion pour garder l’entrée de la chambre forte ?

- Bien observé, Myscosio. D’après toi ?

- Ben ! C’est pas obligatoire… Avec les systèmes hygiéniques sophistiqués de maintenant, on peut s’en passer.

- Oui ! Mais admettons que le morpion dit le poux du pubis soit de la fête. C’est gênant, non ?

- C’est surtout que ça bouffe le budget d’encadrement de "Banque de France".

- Exact, Mycosio ! Vous savez en reconnaître un ?

- Ça a la gueule d’un crabe pas plus gros que 2 à 3 millimètres.Il se sent à l’aise entre deux poils. La relève de la garde se fait une fois par mois.

- Il passe son temps à quoi faire, Mycosio ?

- Gégé, il n’arrête pas de s’empiffrer dans la peau de la toison pubienne.

- Et tu crois que ça le rend moins vigilant ?

- Non ! Il mord toutes les vingt minutes en moyenne.

- Bref, avec ce remue-ménage ça démange un maximum. Ce n’est pas le moment d’être là.

- Gégé, tu as raison. Un morpion, c’est toujours en activité, surtout le jour.

- Mycosio, t’en conclut ?

- Eh bien, s’il y en a dans le secteur, il faudra intervenir la nuit.

- Tu t’en débarrasses comment ?

- On les gaze à la poudre ! Ils ne nous prendront plus la tête.

- Efficace comme méthode… Mais, je me suis renseigné. Banque de France ne fait plus appel à eux.

- Pourquoi ?

- Elle se grattait trop. Et à force, cela attire l’œil. "Gégé en termina :"

- Bon ! Je vous laisse les gars. J’ai une table réservée chez Léon, le Belge. Il paraît que les moules marinières sont exquises, chez lui. "

Une heure plus tard, Gégé refit surface :

" - Alors, ça baigne ?

- Ouais ! " répondirent les recrues."

- Bien, on va pouvoir commencer l’examen de passage. Tiens, toi qui a la bouche ouverte, c’est le moment de causer. "Gégé s’assit repu."

- Je t’écoute !

- Euh… Dans le milieu, on me surnomme Roger dit l’Herpès Génital.

- J’ai déjà entendu parler de toi. Paraît que t’es insaisissable, c’est vrai ce qu’on dit ?

- Ouais ! Les flics ne m’ont pas encore vacciné.

- Alors, tu t’y prends comment avec "la Banque de France" ?

- Gégé ! On a un point commun.

- Sans blague !

- J’ai la trempe d’un virus.

- Et après….. "Herpès Génital ne fit pas de détail :"

- J’attaque à la chignole la chambre forte.

- C’est classique !

- Ouais ! Mais cela donne de bons résultats. Mon truc, c’est de m’infiltrer dans les gaines nerveuses. Il suffit qu’à ce moment-là, il y ait du laisser-aller.

- Dans quel sens ?

- Eh bien, si Banque de France n’est pas au top de sa forme, c’est plus facile.

- Admettons, Herpès ! Mais tu vas direct à la chignole ?

- Ouais ! De toute façon dans cette histoire, il faut bien percer, Gégé.

- O.k. ! Tu utilises le pénis du partenaire, en clair.

- Exact !

- Et "Banque de France" va pas mettre sa sirène en route ?

- Oui et non !

- C’est oui ou non ?

- Euh… Oui ! Gégé, je suis discret. Elle croira que je m’occupe du ravalement.

- Bravo !

- Il y a un juste un problème, Gégé.

- Lequel ?

- J’ai tendance à laisser mes empreintes.

- C’est idiot ce que tu m’avoues, Herpès Génital. Pourquoi t’utilises pas un gant en latex pour percer ?

- Je ne peux plus bosser dans ces conditions. "

Le boss avait l’air soucieux : "

- Et tes empreintes sont-elles de suite reconnaissables ?

- Non ! Il faut attendre quelques jours.

- Ah ! Ça se manifeste comment ?

- Eh bien sur la chambre forte apparaît une éruption de vésicules, les unes à côté des autres. "

Gégé soupira :

" - On peut dire que tu mets les mains partout !

- Mais là où ça s’aggrave, c’est qu’à l’intérieur des vésicules, c’est rempli d’un liquide transparent et un peu jaune.

- Putain ! Travailler avec les mains moites, c’est pas l’idéal, Herpès.

- Je sais… Mais ça se complique quand mes empreintes se transforment en croûtes épaisses, en ganglions. "

Gégé fit mine d’être révulsé :

" - Gros dégueulasse ! (...)

© MEGACOM-IK & Phil Marso / 2003

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BON DE COMMANDE

numero5.jpg (6385 octets)

LE REGARD QUI TUE !

« Mafoin, qu’est-ce qui vous met à table si tard ?

– J’ai une mission délicate à vous proposer.

– Le contraire m’aurait étonné.

– Non ! Si je vous la confie, c’est que je ne peux pas faire autrement.

– Sympa !

– J’ai déjà perdu trois de mes hommes.

– Sale temps pour les flics. Ça tombe sec !

– Ouais ! Ils ont tous été abattus en l’espace d’une heure lors de leur mission.

– Ça commence mal, alors.

– John Wilson Bred, ça vous dirait d’être garde du corps durant 24 heures ?

– C’est une femme ?

– Vous avez deviné.

– Très bien ! Je marche dans votre histoire car j’ai le diable au corps.

– Je vous préviens, cela ne sera pas de tout repos.

– Vous me la présentez maintenant ? »

Mafoin s’essuya la bouche avec sa serviette. Il eut un temps d’hésitation.

« Il y a un malaise ?

– Non ! La cliente aimerait vous avoir au bout du fil avant.

– Pourquoi toutes ces précautions, Mafoin ?

– Elle aimerait savoir si vous êtes à la hauteur de la situation.

– Allons ! Vous me connaissez, Mafoin.

– Eh bien justement… Sur ce coup-là, j’en suis pas très sûr.

– Quoi ! J’ai assez de délicatesse pour border une fille après l’amour.

– Je préfère qu’elle vous entende.

– Si vous insistez. »Mafoin sortit de la poche de sa veste une clé.« Tenez, c’est juste en face… Chambre 18"

(...).

La commande passée, Lola boit à petites gorgées à l’aide d’une paille son verre de limonade à la menthe.

« Bon ! Je file à la cabine téléphonique au sous-sol. Je contacte Mafoin. Soyez vigilante ! »

Je descendis. Ce type d’endroit était un traquenard idéal pour se faire éliminer. En bas, il y avait deux portes battantes qui indiquaient les toilettes. L’une pour les femmes, l’autre pour les hommes. Tout au fond, deux cabines téléphoniques. Par prudence, j’inspectai les toilettes… Côté femmes, personne ! J’entendis un goutte-à-goutte persistant côté hommes. En entrant, je ne vis personne aux pissotières. Bizarre ! Il y avait cinq cabines-WC munis chacun d’une porte à fermeture. Au ras du sol, on pouvait démasquer l’occupant. Il suffisait de s’abaisser pour voir ses jambes. Tel un Indien, je m’y collai. À ma grande stupéfaction, il n’y avait personne. Seul un pet de l’arrière-train siffla trois fois.

« C’est quoi ce bordel ? »

Soudain, une porte s’ouvrit. L’occupant, un cul-de-jatte, me fit face.

« Vous cherchez ma moitié, jeune homme ?

– Euh…

– Si vous êtes venu pour l’attraction, il faudra repasser. J’ai terminé mon tour de pisse.

– Ah, ah !

– Vous n’êtes pas normal. D’habitude, cela ne fait rire personne, mes conneries.

– Ah ! Le public se sauve en courant par la sortie de secours ?

– Ouais ! C’est pas comme moi, ils ont la bougeotte.

– Je dois dire que votre rencontre me paraît insolite dans ce lieu.

– Les chiottes ne sont pas réservées qu’aux grandes personnes.

– C’est vrai ! Ça ne doit pas être très pratique pour vous.

– Détrompez-vous. Je me débrouille.

– Comment c’est arrivé ?

– Un accident de poussette ! Que voulez-vous, un rêve de gosse. Plus jamais grandir, c’est réussi ! Un con a déboîté sur la file d’en face. On s’est embrassé de plein fouet sur l’autoroute. Ça a été le baiser de la mort. Lui, il a perdu son âme. Et moi, j’ai eu zéro au compteur. Il a fallu recommencer. Une seconde naissance en quelque sorte… »

Son aveu était bouleversant. Plus qu’une leçon de courage, le type réussissait à gommer son apparence par un trait d’humour.

« Vous êtes qui ?

– John Wilson Bred, détective privé. Je suis chargé de protéger Lola Valencia du regards des autres.

– Gigi ! À votre service. »

Il me tendit la main.

« Lola est ici ?

– Oui ! Vous la connaissez ?

– Elle a été ma baby-sitter.

– Vous plaisantez ?

– Non ! On est fâché. Depuis que j’ai voulu monter sur son lit.

– Vous me faites marcher, Gigi ?

– Et alors… J’ai bien le droit d’avoir des fantasmes comme tout le monde.

– On doit pas s’ennuyer avec vous

.– C’est vrai. Mais, il ne faut s’y fier. J’ai beau me comporter comme un môme pour oublier mon état, hélas, il me trahit des fois au détour d’une conversation muette que je surprends chez mes semblables. Vous avez l’heure ?

– 13 heures…

– Il faut que j’y aille. Bonne journée ! »

Je décrochai le combiné téléphonique et glissai ma télécarte.

« Allô !

– C’est John Wilson Bred.

– Vous êtes où ?

– Dans un bistro à deux pas de chez moi.

– Alors, Lola Valencia est toujours pleine de vie.

– Ouais ! On a échappé de justesse au regard qui tue.

– Cela doit vous lier davantage.

– Euh… Je l’ai laissée toute seule à une table.

– Vous êtes dingue, John !

– Pourquoi ?

– Il faut surveiller ses moindres gestes.

– Lola a assez d’autonomie.

– Peut-être, mais je serais plus rassuré si vous la rejoigniez au plus vite.

– OK ! Quelles sont les instructions ?– Rien ! Ah si… Nous allons faciliter vos déplacements en toute sécurité.

– Vos hommes vont prendre la relève ?

– Non ! Vous connaissez l’impasse qui se trouve juste derrière chez vous ?

– Ouais !

– Un carrosse vous y attendra. »La dernière phrase me paraissait énigmatique.

(...)

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BON DE COMMANDE

alcool.jpg.jpg (19773 octets)

ECHAFAUD POUR ALCOOLO ! de Phil Marso

" - Vous avez entendu parler du fait divers "MASSACRE A L'ALCOOL" ?

- Pas vraiment...

- Dans la nuit de samedi à dimanche sept personnes ont été arrêtées pour génocide.

- Quel rapport avec l'alcool ?

- Regardez ces photos, elles parlent d'elle-mêmes".

Mafoin me tendit cinq photos. Au premier plan, on voyait un monticule de bouteille vide de toutes marques d'alcool. Perplexe, je rendis les photos.

" - Et alors ? Ce sont des cadavres de bouteilles, rien de plus.

- Vous plaisantez, John ! Un vrai carnage. On a comptabilisé pas moins de 1500 bouteilles vides.

- Et après ?

- Avouez que le génocide est flagrant. Pire ! Si on partage les responsabilités de chacun, cela fait 214 cadavres par coupable.

- Ecoutez, à ce tarif-là, tout le monde peut se reprocher quelque chose. Visez ma poubelle, vous trouverez-bien un ou deux cadavres de Whisky.

- O.k. ! Mais 1500 bouteilles liquidées en une seule nuit, c'est horrible !

- Putain ! C'est une exécution sommaire.

- Un génocide par excellence !".

Je repris les photos pour me rendre compte de la gravité de la situation. En fond de décor, on voyait un bistro. Je le montrai du doigt à Mafoin.

" - Ca c'est le lieu du crime, me répondit Mafoin.

- Et qu'en disent les coupables ?

- Justement ! On est très inquiet à leur sujet. Aucun ne se souvient de ce qui s'est passé au bistro. La seule chose que l'on sache, c'est qu'ils ont commis l'irréparable après.

- C'est-à-dire ?

- J'ai un dossier complet sur ce que l'on reproche à ces morts de soif.

- La Justice s'en charge, je suppose. Je ne vois pas quel rôle je peux jouer dans cette affaire.

- John, vous le savez comme moi, la Justice est expéditive. On a déjà tranché sur leur cas.

- La guillotine ?

- Non ! La société les accuse tous de vice sur la boisson. Ce qui veut dire qu'ils sont incurables pour la bonne marche de notre société.

- Je vois, tout marche de travers dans cette histoire.

- Exact !

- Vous voulez donc que j'ouvre une autre bouteille, Mafoin ?

- Non ! Contentez-vous d'ouvrir une nouvelle enquête sur les coupables. Reprenez tout à zéro avec pour but final de démontrer qu'un acte d'alcoolisme est dû à un mal d'être. Et non à un vice chronique.

- En clair, les alcooliques sont avant tout des malades qu'on doit soigner.

- Vous pigez vite, John.

- J'imagine que le degré de responsabilité est variable suivant la personnalité du coupable.

- Ouais ! C'est là qu'il va falloir être très fort, John.

- Euh... Je sais tout de même faire la différence entre un vin de table à 11°5 et une vodka à 50°.

- Je vous fais confiance.

- Pourquoi ?

- Allons, je sais très bien qu'un détective privé a la réputation d'être un alcoolique notoire.

- Mafoin, vous êtes bourré de préjugés. Depuis trois semaines, je carbure à l'eau.

- De vie ?

- Et alors, c'est un bon début.

- Tâchez d'être clair dans cette enquête, John.

- Je vais essayer. Avant de partir, vous boirez bien un dernier verre à ma santé, commissaire ?

- Non ! La soif de vivre me suffit. Evitez de vous en jeter un, sur le toit de votre immeuble".

Dimanche,10h, je franchis le seuil du bistro "Le Canon Rouge". Seul le patron passait l'éponge sur le comptoir.

" - Dites, vous effacez les traces de beuverie de samedi soir ?

- M'en parlez pas. Sale histoire !".

Je lui tendis la main. Il me la serra avec ses grosses paluches.

" - John Wilson Bred, détective privé !

- Léon Bardoux ! Qu'est-ce que je vous sers ?

- Une mort subite !

- Putain ! Vous attaquez sec l'interrogatoire.

- Ca vous gêne ?

- Non ! Mais j'ai déjà tout rendu aux flics.

- Eh bien on va se replonger dans l'ambiance".

J'aplatis un biffeton de cinq cents sacs sur le comptoir. Léon eut un léger hoquet désapprobateur.

" - Il y a un hic !

- Quoi ?

- J'ai pas de monnaie ce matin.

- Tant pis pour vous".

Je repris le fric.

" - Servez-moi un verre d'eau minérale.

- Vous êtes en cure de désintoxication ?

- Non ! Thermale. Léon, racontez-moi ce qui s'est passé ?

- La routine. J'ai vu sept personnes débarquer chez moi d'un seul coup.

- Quelle a été votre réaction ?

- J'ai dit : C'est ma tournée !

- Vous êtes inconscient.

- Je le regrette bien. A cause de ça, les flics m'ont fait sauter ma licence IV dans l'attente du procès. Je ne suis pas à la fête.

- Normal ! Vous êtes complice de leur crime.

- Oh ! Faudrait tout de même pas pousser le bouchon trop loin. Comment je pouvais savoir qu'ils avaient tous une ardoise à régler vis-à-vis de la société ?

- Il faut avoir simplement du pif !

- Justement, je ne suis pas ënologue. Euh... sociologue.

- A part les suspects, il y avait d'autres types ?

- Non !

- Les flics ont eu la main lourde en vous accusant de complicité. Quoi de plus normal que d'offrir une tournée pour apaiser la tension d'un bistro désert ?

- C'est de l'autodéfense, John.

- Non ! De l'autopromo.

- On va pas jouer sur les mots.

- Les maux de tête ?

- John Wilson Bred, vous n'allez pas refaire l'enquête.

- Je dois rétablir la vérité.

- Qu'est-ce que vous voulez savoir de plus ?

- J'ai les photos des suspects. Peut-être un détail a-t-il échappé à la Justice".

(...)

Deuxième extrait

Les débats reprirent.

« Monsieur le président, je demande que l’on puisse examiner le père Benoît Jouissard.

– Et dans quel but ?

– Prouver que si l’accusé n’a effectivement pas participé à la beuverie de samedi soir, le délit d’alcoolisme a été commis de longue date et tout à fait prémédité en ce qui le concerne.

– Et cela va nous mener jusqu’où ?

– La cirrhose du foie.

– OK ! Faites-en nous la démonstration. »

Vincent Lamorale installa un tableau et à l’aide d’une craie dessina approximativement la silhouette du prêtre.

« Objection, Monsieur le président !

– Accepté ! Je vous écoute, M. John Wilson Bred.

– Il est anormal que l’on puisse utiliser l’image de mon client pour faire de son cas une généralité sur le délit d’alcoolisme.

– Refusé ! La partie civile a le droit de montrer au public le mécanisme de l’absorption de l’alcool dans l’organisme et des causes fâcheuses qui peuvent en découler.

– C’est aberrant !

– Non, instructif ! Et puis, j’ai toujours adoré les croquis à l’école. »Il était inévitable que la justice profite de ce procès pour combattre l’alcool sous toutes ses formes. La méthode pouvait paraître pédagogique mais la démagogie l’emporterait sûrement. J’insistai pour la forme :« Monsieur le président, la prévention ne doit pas entraîner la privation. »

16 h 30 – L’exposé commença. Vincent Lamorale excellait dans cette partie.

« Monsieur le président, j’ai une faveur à vous demander…

– Laquelle ?

– La défense représentée par le détective ici présent peut me poser des questions sur ce que je vais démontrer ici-même.

– Accordé ! »Le président croisa les doigts l’air satisfait de cette démarche.

« Vous acceptez cette offre, M. John Wilson Bred ?

– Bien sûr ! Un verre, ça ne se refuse pas. »

La salle éclata de rire.Vincent Lamorale dirigea sa baguette sur la bouche de l’individu croqué sur le tableau noir.

« L’alcool doit passer par voie buccale pour avoir de l’effet. »

Je répliquai fatalement : « C’est pas idiot ! Des fois qu’un tordu s’imaginerait s’envoyer un litron par voie anale pour se purger !

– Que d’esprit, mon cher John Wilson Bred.

– Oh simple arrière-pensée. »

La baguette s’immobilisa ensuite entre les deux poumons.

« Ici, c’est l’œsophage. L’autoroute de la mort où l’alcool descend à une vitesse vertigineuse.

– Euh… C’est en sens unique ?

– Merci ! C’est une bonne question, John. Non, il s’y passe des chassés-croisés peu fréquents, mais en période de pointe, ce n’est pas exclu.

– Tout dépend ce qu’on s’est avalé sur le bitume ?

– Exact ! Quand les poids lourds remontent avec tout leur chargement, c’est pas digeste. Une sacrée gerbe ! Un vomi signalétique ! Un dégueuloire à tout-va.

– On a donc les souliers en bascules ?

– Ouais ! C’est mauvais… On freine plus sur la boisson. Bordel de circuit ! Et c’est pas fini. Le poison s’infiltre dans l’intestin grêle.

– Poison ! Vous exagérez Lamorale ?

– Oh non ! L’alcool quoi qu’on en dise circule pas mal. Un vrai poison qui peut avoir de l’effet en dix minutes.

– C’est un record !

– Non ! C’est pas impossible. L’état de fatigue peut vous encanailler dans une de ces ronflées à plus voir la visibilité de la route.

– Il y a aussi les imprudents à mettre sur le capitaine .

– Ouais ! Les types qui se croient tout permis et, au moindre verre, emboutissent le voisin.

– Ils tiennent pas la route, alors ?

– Non ! Un, deux verres et ils sont morts. Il faut faire gaffe. C’est une question d’entraînement, d’ancienneté.

– Démarrer à 10 ans, c’est recommandé ?

– Conseillé ! »La salle siffle.« Mesdames, Messieurs… Excusez-moi ! M. John Wilson Bred m’a troublé. Je voulais dire « pas exclu » ! Il y a juste à se servir au rayon Alcool.

– Pratique !

– Et légal !

– Que se passe-t-il au niveau de l’intestin grêle ?

– C’est le premier péage.

– Et après ?

– L’alcool se répand dans le sang pour se diriger vers un pôle d’attraction énorme.

– Quoi ?

– Le foie ! Là, il y a de l’activité. C’est pas rien de peser 5 kilos à l’âge adulte.

– Quel est son secteur industriel ?

– Il est chargé de neutraliser certaines toxines.

– L’alcool ?

– Non ! Il passe au travers des contrôles même si une infime partie est dégradée. »

La baguette continua son chemin dans les ténèbres du corps humain.

« L’alcool est transporté dans le sang avant d’atteindre le cœur.

– Il a le tempérament d’un routier.

– Peut-être… John. Sauf que ça use le cœur à la longue. Circulez, il y a plus rien à boire.

– On dit pourtant qu’un verre de Bordeaux tous les jours, c’est bon pour le cœur.

– Foutaise ! L’alcool, c’est mauvais pour la santé. »

Le président sursauta.« M. Lamorale, nous sommes ici pour faire le procès de ces accusés et non de l’alcool. Dois-je vous le rappeler ?

– Non ! Mais l’abstinence de l’alcool est la meilleure façon pour endiguer le mal.

– Soit ! Mais nous n’en sommes pas encore là. Contentez-vous de nous instruire sur les risques qu’encourt tout usager d’alcool excessif.Le cours reprit.« Toujours par le sang, le liquide déambule jusque dans les poumons. Ainsi, l’air expiré permet de voir le taux d’alcoolémie d’un suspect. Puis, il fait une visite assez remarquée au niveau du cerveau. Nous en sommes à l’état d’ivresse. Et il prend un malin plaisir à rebrousser chemin dans le sang pour atterrir dans le foie. À cet instant précis, 80 % d’alcool n’est toujours pas éliminé.

– Et les reins, qu’en faites-vous, M. Lamorale ?

– Ridicule ! Une petit partie est éliminée, mais c’est le foie qui doit se taper tout le boulot.

– Sacré bosseur !

– C’est pas fini ! Après plusieurs années d’alcoolisme, on constate une cirrhose compensée.

– C’est quoi ?

– Benoît Jouissar va nous le montrer, maintenant. »

Mon client n’était pas aux anges à cette idée. Il dut remonter sa chemise pour mettre à nu son ventre. Lamorale s’approcha de lui.« Une cirrhose du foie, c’est ça ! »

Il désigna la grosseur anormale à l’emplacement de l’organe incriminé.

« Voyez-vous, le foie fonctionne correctement, mais il augmente de volume. On peut le vérifier à la palpation. »

Il tâta méthodiquement l’accusé puis marqua un temps d’arrêt.« Dans le cas de Benoît Jouissard, je crains que nous en soyons à la cirrhose décompensée.

– C’est grave docteur ?

– Plaisantez, mon cher John. Hélas, le foie de votre client ne répond plus à sa propriété. Il est incapable d’éliminer la bile. Celle-ci s’accumule sous la peau pour former une jaunisse. »

Le ventre de Benoît Jouissard en présentait tous les symptômes.

« Objection, Monsieur le président.– Accordé !

– Mon client, habitué à une nourriture saine et simple, n’a pas dû supporter la bouffe de la prison, ainsi que sa captivité. »

Le président refusa mon diagnostic, mais sans le condamner ouvertement. Il temporisa :

« M. Vincent Lamorale, pouvez-vous apporter la preuve de ce que vous avancez ?

– Certainement ! »

17 h 10 – On installa Benoît Jouissard sur une table d’opération. Il avait l’air inquiet. Donnerait-il son corps à la science de son vivant ? La partie civile fut aidée par un médecin.« Mesdames, Messieurs, le docteur Barzoc va ponctionner à l’aide d’une aiguille l’intérieur de la cavité abdominale du patient.

– Et dans quel but ?

– Vous le verrez bientôt, John. »L’aiguille était reliée à un tube plastique qui se déroulait pour aller jusqu’à une bouteille. En quelques minutes, un liquide jaunâtre s’écoula. La salle en fut saisi de stupéfaction. L’air triomphant, Lamorale agita la bouteille sous mes yeux et ceux du président.

« Ceci est la bile qui ne passe plus. Le foie bloque l’écoulement du sang.

– Que va-t-il faire ?– Le sang va contourner le foie en entraînant un réseau veineux qui va se propager. »

Benoît Jouissard devint pâle.

« Il va entraîner des varices œsophagiennes signalées par des saignements, ce qui risque de provoquer une hémorragie digestive souvent grave. En phase terminale, l’alcoolique sombre dans un coma fatal. »

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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BON DE COMMANDE

numero7.jpg (4376 octets)

SILENCE ON MEURT... de Phil Marso

A la gare de Montpellier, Mafoin m'attendait, habillé en civil. Une poignée de main furtive et un contrôle de l'état du bonhomme me font croire qu'il infiltre le millieu S.D.F. Le visage pas rasé, les vêtements trempés de sueur, la zone totale ! Il occupait un trois-pièces dans le nouveau quartier de l'Antigone. Si la place de la Comédie affichait complet, ici c'était désert. Les commerces se faisaient encore trop rares. Montpellier, c'est Paris avec le soleil en plus. Et moi, je ne supporte pas de me faire flasher la tronche dès 8 heures du mat'. Les lunettes noires, c'est pas mon style. Comment pouvaient-ils supporter ce putain de soleil une grande partie de l'année ? Mis à part que le linge séche en quelques heures, je voyais trop d'inconvéniants à végéter ici. Cinq jours, m'avait dit Mafoin, pas un de plus, le temps pour lui de remonter à la surface. J'ai capitulé.Seulement arrivé au numéro 57, il y avait déjà un peu trop de monde comme à la plage. Les voitures des flics serrées, le girophare allumé comme un string, ça défilait sec. Le plagiste de service, un certain Mario, inspecteur de police, demanda nos papiers à l'entrée de l'immeuble. Il fit la grimace.

" - On a assez de fainéants ici pour classer l'affaire. Un conseil, ne bougez pas, on s'en occupe. C'est pas des parigots qui vont faire mon boulot. Vous avez déjà le soleil et c'est bien suffisant".

Mafoin n'insista pas, par peur d'un alcoltest en règle. Moi, j'aime quand ça déborde. Un ou deux glaçons de plus dans le verre d'anisette, histoire de ne pas noyer le poisson.

" - Inspecteur ! Que s'est-il passé ?

- Je ne pense pas que ce meurtre vous regarde.

- Juste jeter un coup d'oeil; pour une photo souvenir. Merde ! on est en vacances, on a bien le droit à la spécialité régionale.

- J'ai entendu parler de vous, John Wilson Bred.

- En mal, j'espère.

- O.k. ! Vous avez deux minutes pour la prise de vue".

C'était au huitième étage, l'unique appart' était spacieux. Normal, la victime évoluait dans le milieu de la danse. Malheureusement, ce jour-là, elle fit un pas de trop. Son nom de scène Carmina termina dans le tragique. Le médecin légiste se demandait s'il ne devait pas étudier en trois actes ce corps inerte. La tête fracassée contre un miroir ce n'était pas un spectacle de tout repos. L'originalité ne manquait pourtant pas au programme, puisque son corps désarticulé était la preuve que l'assassin avait mis un soin particulier à la mise en scène. La tête retournée à 80°, le bras droit arraché, et l'autre meurtrie de multiples fractures étaient le tableau final. Quant à l'arme du crime, elle était introuvable. Aucune trace d'effraction, juste une fenêtre ouverte sur la loggia qui donnait sur la pièce où l'on avait découvert le corps. Bien sur, un acrobate pouvait très bien escalader jusqu'au huitième étage. A condition de n'être pas repéré par les boulistes d'en face. La mort remontait à 10h du mat', horaire trop fréquenté. Mario avait interrogé tous les habitants du N°57, sans résultat. L'immeuble situé à l'Antigone était au top de la sécurité. Pour y avoir accés, on devait franchir l'épreuve du code à dix chiffres, puis gueuler dans un interphone. Et pour clôturer les paranos du cambriolage chaque propriétaire disposait d'une serrure encastrée au devant de l'ascenseur. Il suffisait de tourner la clé à gauche pour rendre inacessible l'accés à l'étage dudit propriétaire. Le meurtre d'un rôdeur était exclu. On avait même rencardé l'architecte pour voir si son alibi tenait la route. Il avait quitté un virage à plus de cent kilomètres à l'heure et en état actuel, on consolidait sa carcasse dans le cimetière le plus proche. Si le meurtre de Carmina paraissait inexplicable, on ne s'affolait pas pour autant. Après tout c'était un cas isolé, pas de quoi faire la une des journaux du coin. Qui avait intérêt à en parler ? Personne ! On n'avait pas investi à coup de milliards dans l'Antigone pour remettre en question la sécurité du quartier.

(....)

 Septième étage, depuis cinq minutes on me matait dans le mouchard de la porte. J'ai une sale gueule à ce point-là ? J'insistais encore sur la sonnette. Seul le son cacophonique de la télévision résonnait à l'intérieur. Je glissai un billet de cent francs sous la porte du propriétaire récalcitrant. La réaction ne se fit pas attendre. La porte s'ouvrit pour faire face à une femme de soixante-dix balais, les cheveux gris en brosse.

" - Vous êtes de quel journal ?

- Ah, vous vous trompez, Madame.

- Mademoiselle ! J'y tiens.

- Bien ! Puis-je entrer ?

- Pour me dévaliser et me violer !

- Euh...

- Je plaisante ! Avec toutes ces séries américaines d'une extrême violence qui nous passent à longueur de journée à la télévision, on n'aurait qu'une envie, se faire culbuter par Arsène Lupin. Lui, c'est un gentlemen. Il prendrait des gants.

- En plastique ?

- C'est fantastique !

- Vous ne manquez pas d'humour pour votre âge, mademoiselle.

- Il faut bien car au moindre déraillement tous ces jeunes cons sont capables de vous interner. Remarquez, je porte déjà la blouse".

La mamie, me montra sa blouse blanche parsemée de petits coeurs renversés.

" - Je sais ! C'est un peu cul ! cul ! Bon ! Vous comptez me draguer sur le seuil de la porte ?

- J'ai quelques questions ˆ vous poser.

- J'espère qu'elles sont osées, j'ai horreur des banalités.

- Vous ne me demandez pas qui je suis ?

- Pas le prince charmant, ça se saurait. Je vais à la messe chaque dimanche. Dieu m'aurait pas fait un coup pareil. Attendre l'âge de soixante-dix ans pour tomber sur un top model. J'ai déjà trainé comme un boulet pas mal de gars dans votre genre. J'ai donné !

- John Wilson Bred, détective privé.

- Le syndic d'immeuble nous a pas prévenu. Pas étonnant que ma pension retraite passe dans les charges.

- Non, je suis la par hasard.

- C'est ça ! Vous allez me faire croire ça, alors que juste au dessus de chez moi, une enquiquineuse s'est fait buter.

- Justement...

- Bon ! Restez pas là, il y a trop de courant d'air. Je suis assez en chaleur aujourd'hui pour ne pas me refroidir sur le seuil d'une porte. Entrez ! J'avais justement besoin d'un partenaire.

- Pour quoi faire ?

- J'ai horreur de prendre le pastis, seule !".

Mon billet de cent francs glissé dans son soutien-gorge, la mamie me fit signe de prendre les patins pour aller jusqu'au salon. Pièce transformée en une véritable régie audiovisuelle. Un pan de mur entier était réservé à une multitude de poste de télévision recevant les chaines du monde entier. Intrigué, je demande le programme à voix haute.

" - Dites vous pourriez baisser le son ?

- Pas de problème !".

Elle attrapa une télécommande et fit une simple pression avec son pouce. Soudain ! La pièce se désemplit de décibel.

" - Vous êtes branché télé, mademoiselle... Euh...

- Evelyne !

- C'est un charmant prénom.

- Merci !

- Pourquoi avez-vous autant de téléviseurs ?

- Permettez que je vous appelle, John ?

- O.k. !

- Vous savez quand on est vieille, et seule, la compagnie se fait rare. J'ai pas envie de crever dans une pièce vide. Alors de savoir qu'il y aura beaucoup de monde au moment où je tomberai raide morte sur le carrelage, cela me rassure. Peut-être même que ce jour-là, il y aura des célébrités à l'écran ou carrément un stade rempli de supporters.

- Et si vous claquez dans les W.C. ?

- J'ai tout prévu. Il y a au moins un poste dans chaque piéce".

Elle me désigna l'un des fauteuils pour m'asseoir. Sur une petite table, elle déposa un plateau avec deux verres de pastis. Elle en but une petite gorgée puis se rinça les dents avec le liquide absorbé.

" - Je suis à court de dentifrice. J'aime avoir l'haleine fraîche.

- Si nous parlions de votre voisine.

- Carmina !

- Ouais ! Qu'avez-vous dit aux flics ?

- Et bien, je m'apprêtais à ouvrir l'une des fenêtres du salon pour aérer quand j'ai entendu comme d'habitude les pas de la danseuse.

- C'était des pas trainants du genre d'une personne agonisante ?

- Non ! Non ! Elle faisait des pointes.

- Il était quelle heure environ ?

- 9h45, je crois.

- Et aprés ?

- J'ai mis les téléviseurs en marche pour atténuer les bruits de ses pas. Je ne supportais pas ça façon de danser. A la longue, c'était casse-pieds ! J'ai même déjà avertit le propriétaire de l'immeuble. Franchement, est-ce une heure pour emmerder une personne de mon âge ?

- Bin...

- Comment voulez-vous que je termine ma grasse matinée ?

- Vous étiez déjà levée ?

- C'est une image, John ! J'adore suivre les jeux télévisés du matin. C'est bon pour la mémoire. Carmina m'empêchait de me concentrer.

- Vous avez regardé la télévision. C'est tout !

- Enfin presque...

- C'est-à-dire ?

- J'ai rien dit aux flics car j'en vois assez dans le poste toute la journée. Mais ce matin, j'avais pas la forme. Regarder le film X, à trois heures du mat', ça épuise. Je suis donc entré dans le salon au moment où Carmina commençait ses pointes. Je dois avouer qu'il m'arrive d'épier ses pas. Non par fantaisie, mais j'adore lui faire des remontrances sur son manque de professionnalisme quand je la croise dans l'immeuble.

- Avez-vous remarqué quelque chose de particulier ce matin ?

- Oui ! Au bout de cinq minutes de pointes, j'ai entendu un changement de rythme.

- Que voulez-vous dire ?

- Elle a commencé à emballer ses pas dans une sorte de toupie infernale. J'avais l'impression qu'elle n'était pas seule.

- Aurai-t-elle trouvé un cavalier ?

- C'est ce que j'ai pensé. Mais quand l'inspecteur Mario est venu m'annoncer la nouvelle au sujet de Carmina. J'ai tout de suite pensé qu'elle avait fait quelques pas de danse avec son meurtrier.

- Et si au lieu de pas de danse, c'était un bruit de lutte avec son agresseur.

- Peut-être. Mais qui a fait le coup ?

- C'est à moi de le découvrir.

- Personnellement Michael Jackson est hors de cause.

- Michael Jackson ?

- L'agresseur avait le pas aussi rapide que ce génial danseur. c'est tout ce que je peux vous dire.

- Merci pour le pastis. Il faut que j'y aille.

- Déjà !

- J'ai un déjeuner qui m'attend.

- Dîtes, vous ne croyez pas qu'un seul crime c'est un peu léger pour retenir l'attention du spectacteur ?

- Que voulez-vous dire, Evelyne.

- Moi, j'attends la suite".

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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BON DE COMMANDE

numero8.jpg (4475 octets)

PRESUME ANIMAL ! de Phil Marso

" - John, vous avez déjà fait de la taule ?

- Non !

- C'est le moment ou jamais.

- Que me reproche-t-on ?

- Rien ! Connaissez-vous la prison de "Morback" ?

- Jamais entendu parler.

- C'est près de Paris C'est ce qu'on fait de mieux en matière de quartier de haute sécurité jusqu'à hier.

- Que s'est-il passé ?

- La directrice de Morback a été réduite en chair à pâté.

- C'est moche !

- Ouais, surtout qu'il y avait des témoins au moment du massacre.

- Vous n'avez pas besoin de moi pour ça, alors.

- C'est bien mon avis car vous avez l'habitude de travailler en solo.

- La prison n'a jamais été mon terrain.

- Justement, j'ai pensé à quelqu'un qui pourrait vous aider, car Morback lui est familier.

- Ma boutique ne peut dégager qu'un salaire. J'ai pas l'esprit d'équipe.

- Si je vous disais que votre équipier n'ouvrira pas sa gueule pendant l'enquête.

Est-ce que cela peut vous décider ?

- Il est muet ?

- Non ! Il a l'instinct animal.

- C'est moi qui dirige ?

- Ok ! Mais il sera toujours dans vos pattes et c'est un gros mangeur.

- C'est qui ?

- Bernardo !

- Je le connais ?

- Non ! Mais on va faire les présentations. Il attend sagement derrière la porte".

Mafoin claqua des doigts et cria :

" - Bernardo, viens ici !"

Avec un nom pareil, je m'attendais à voir un molosse, style grosse brute de 1m90. Mais la surprise fut de taille. Un vieux saint-bernard sympathique se pointa d'un pas lourdeau.

" - C'est quoi ces conneries ?

- Bernardo ! Un brave chien qui a passé plus de temps derrière les grilles d'une fourrière qu'en liberté provisoire.

- Mafoin, mettez-vous en cause mon manque de flair au point d'engager un chien à mes basques ?

- Morback est une prison spéciale. Elle sert de refuge à tous les délinquants à quatre pattes d'Ile-de-France.

- Des mômes, vous rigolez ?

- Non ! Des animaux domestiques qui ont mal tourné. Il y a notamment deux catégories bien distinctes.

- Lesquelles ?

- Chiens et chats.

- Et les témoins du meurtre se trouvent parmi eux ?

- Exact ! Mais personne n'ose parler et pour cause. Un chien ça aboie. Un chat ça miaule, rien de plus.

- Et à moi d'en savoir plus. Mais je ne vois pas en quoi Bernardo va m'être d'un quelconque secours.

- Attention ! Un saint-bernard a la réputation de porter assistance en cas de pépin. Il va vousêtre très utile pour visiter Morback sans éveiller le moindre soupçon des détenus et du personnel carcéral.

- Ah, vous avez déjà des instructions à me communiquer ?

- Ouais ! A 14h, précises, vous allez vous présenter comme chasseur de prime à Morback.

Demandez à voir l'adjoint de la directrice, M. Chambert. J'ai un papier officiel qui permettra d'amener Bernardo, il sera incarcéré le jour même. Vous profiterez des modalités administratives pour faire le tour de la taule. Je reste persuadé que quelques-uns de ces animaux ne se sont pas contentés de regarder le spectacle, la gueule dans leur auge.

- Et si c'était un réglement de compte entre humains ?

- J'y ai pensé. Mais j'ai une thèse à ce sujet.

- Laquelle ?

- L'homme parfois se trouve plus proche de l'animal que de ses semblables.

- Vous voulez dire qu'il est mis plus facilement dans la confidence ?

- Ouais ! En se lançant sur les traces de l'animal on démasquera peut-être l'homme. Je vous le répète. Les animaux ne parlent pas le même langage que nous.

- Je vois, il suffit d'un simple regard pour qu'ils comprennent tout.

- Bon ! Je vous laisse faire connaissance avec Bernardo. Je dois tre frais pour demain matin.

- Je marche pas dans la combine. Il n'y a pas de place pour deux ici. Et encore moins pour un gros pépère.

- John ! Bernardo va vous faire craquer avec sa tronche. Il va vous envahir sans que vous opposiez la moindre résistance.

- C'est ce qu'on va voir. Je suis quand même le maître ici.

- Justement, Bernardo va adorer. Bonne nuit !"

(...)

 4h30, j'avais pas de quoi m'alarmer en bouclant ma porte à double tour. C'était pas mon style et encore moins cette nuit. Mafoin m'avait même dit que Bernardo n'opposerait aucune résistanceà mes ordres. Je lui fis signe de mon doigt de s'approcher de moi. Ce qu'il fit avec une version bien à lui. D'un élan inattendu, il se rua sur moi. Les deux grosses pattes sur mes épaules. Je faillis perdre l'équilibre. Heureusement son poids me colla contre la porte. J'ai pas l'esprit autoritaire, mais il y a des limites.

" - Bernardo, compte pas sur moi pour te faire la bise avant d'aller me pieuter. Couché !"

Il s'exécuta. Mieux, il m'étonna par son sens de Jo l'incruste. Il se rua sur mon lit. Il déplia le couvre-lit avec sa m‰choire, puis le dessus du drap. Il sauta sur le lit et donna quelques coups de pattes dans l'oreiller. Le remit en place. Et se coucha pour s'étirer.

" - Bernardo, je sais pas à quel jeu tu veux jouer. Mais tu m'épates. Jamais une nana n'avait été aussi attentionnée à ma couche. D'habitude, elle te pique les draps, les couvertures et ta santé. Le seul problème c'est que tu n'es pas une chienne ! Euh... Je m'égare, une nana.

Dégage !"

Enfermé dans la cuisine, il n'avait aucune chance de se venger. Le frigo était vide.

10h, la sonnerie de la porte me réveille. Le slibard à l'air, j'allais ouvrir.

" - Qu'est-ce que tu fous la, Brigitte. Je t'attendais plus.

- Devine ?"

Elle m'embrassa et me poussa légèrement à l'intérieur de mon palace. La matinée ne pouvait commencer plus mal. Du moins, jusqu'à ce que Bernardo s'occupe des tâches domestiques. Ce con avait décidé de se manifester. Crise de jalousie, allez savoir. Un brouhaha énorme s'empara de ma cuisine. Brigitte interloquée, se pinça la lèvre inférieure.

" - T'es pas seul, John ?

- Non !

- Salaud !

- C'est pas ce que je voulais dire, mon minou."

Le bruit s'intensifia. Pire ! On entendit une voix féminine chanter.

" - John, dis-moi que t'es pas seul ?

- Calme-toi, mon minou. Je vais t'expliquer.

- C'est ça. Pauvre mec !"

Brigitte se tira en claquant la porte. La voix féminine continuait son refrain : "Maladie d'amour, maladie de la tendresse. si tu n'aimes que moi. Prends-moi en laisse, mon amour."

La porte ouverte de la cuisine. Bernardo en tablier était en train de lécher les casseroles qui trainaient depuis une semaine dans l'évier. Une fois terminé, l'objet de sa gourmandise valdingua par terre. Il avait même réussi à appuyer sur le bouton "ON" de la radio qui déversait la même rengaine : "Maladie d'amour, maladie de la tendresse. Si tu n'aimes que moi. Prends-moi en laisse, mon amour".

Mon partenaire n'avait pas apprécié que je prononce le mot "minou".

" - Bernardo, t'évite la prochaine fois ce plan."

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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BON DE COMMANDE

PETITS CRIMES EN HERBE de Phil Marso (Epuisé !)

12h, la police locale s'affairait encore dans le jardin de M. Gulliver. John Wilson Bred s'identifia devant l'inspecteur Simon Verdelain.

" - Merci d'être venu rapidement, M. John Wilson Bred.

- Bah ! C'était pour moi le meilleur moyen de tuer la semaine."

Nous nous engagions dans un long couloir de haies de tuyas avant de déboucher sur une pelouse verte et en fond de décor le Lac Léman. Au beau milieu, les nains de jardins gisaient encore. Un photographe terminait de faire un dernier cliché. Malgré la violence du massacre, on pouvait remarquer dès le premier coup d'oeil que cela n'avait pas suffi à estomper le sourire légendairedes victimes. Droits, légèrement enfoncés dans la terre, leurs corps étaient pratiquement intacts, exception faite de la tête qui manquait à l'appel de la forêt et était à une distance de deux mètres. Chambert me fit un premier diagnostic.

" - A notre avis, ils n'ont pas eu le temps de voir venir. L'assassin a été rapide comme l'éclair. Autant dire qu'aucun des membres de la famille n'a eu le loisir de prendre ses jambes à son cou.

- Vous avez une idée de l'arme que le meurtrier a utilisée, inspecteur ?

- On a pensé à une scie métallique, mais cela aurait réveillé le quartier. Et puis, la coupe est trop hachée pour y croire un instant.

- Un gant de base-ball métallique aurait pu s'en charger."Verdelain fut stupéfait de ma trouvaille.

" - Vous ne manquez pas d'imagination, John.

- N'oubliez pas que nous sommes au royaume des nains.

- C'est absurde !

- Au fait, c'était quoi leur principale activité dans ce jardin ?

- Ils étaient en train de faire un pique-nique. Normal ! Vu la beauté du lieu, c'était pas le genre à couper du bois du matin au soir.

- On dénombre combien de victimes ?

- Cinq !

- Je vois le tableau. Le père, la mère et trois gosses.

- Vous n'y êtes pas, John Wilson Bred. Les nains de jardin ne peuvent pas se reproduire car ils n'ont pas de femmes parmi leurs semblables.

- Quel calvaire ! C'est le début de l'Homo Sapiens.

- A priori, on ne connait rien de leur sexualité. Mais comme le veut la légende, ce sont des anges de la terre, sans sexe.

- Avez-vous un spécialiste sous la main ?

- Justement, M. Gulliver connait la question par coeur."

12h56, l'homme qui me faisait face avait les traits tirés. Sa carrure était imposante, il devait mesurer pas loin de deux mètres. Ses mains auraient pu être coulées dans du marbre car elles en imposaient. Il s'acharnait sur une plaquette de chocolat noir pour se remonter le moral.

" - Vous êtes le détective John Wilson Bred, m'a-t-on dit ?

- Ouais !

- C'est marrant ! Je vous croyais plus grand que ça.

- Vous avez du me voir sur une photo avec des talonnettes.

- Vous voulez dire avec des échasses."

Le type se permettait de faire de l'humour alors qu'à l'aube, on avait zigouillé ses petits protégés. C'est dire qu'il avait vite récupéré.

" - M. Gulliver, qu'avez-vous fait ce week-end ?

- J'ai emmené ma femme et mon gosse à Genève.

- Quel temps faisait-il là-bas ?

- Dégueulasse !

- Comment expliquez-vous que vos nains de jardin se sont tapé un pique-nique ?

- Bah ! J'ai pas eu le temps de les changer.

- De couche ?

- Non ! J'aurais dû les remplacer par une autre équipe plus acclimatée à la température hivernale.

- Ah ! Je croyais qu'un nain de jardin était de toute saison.

- C'est juste pour le fun ! Logiquement, il résiste à toutes sortes d'intempéries.

- Sauf jusqu'à ce matin, M. Gulliver. Vous avez une petite idée sur l'auteur du massacre ?"

Il croqua son dernier carré de chocolat avant d'y répondre.

" - Ce ne sont pas les méthodes habituelles utilisées par le Front de Libération des Nains de Jardin. Je sais qu'ils ont commis plusieurs kidnappings dont notamment 119 nains retrouvés en pleine nature dans un bois d'Aixe, près de Limoges. Mais je doute que leurs agissements se soient radicalisés à ce point de non-retour.

- M. Gulliver, quel a été le déclic qui vous a poussé à hŽberger ces petits êtres sur votre pelouse ?

- Blanche Neige ! Cela a été pour moi, une révélation.

- Et depuis, vous les collectionnez.

- Non ! Je les fabrique.

- Intéressant... Alors, ils naissent dans les choux-fleurs ?

- Non ! Dans un gros moule en cuivre et en nickel. On les remplit de PVC.

- PVC ?

- C'est du plastique. Ils sont logiquement incassables. Le moule est mis à cuire à 270° dans un four rotatif.

- La cuisson est-elle longue ?

- Trois à douze minutes suivant la taille du nain.

- Même chez eux, il y a des différences ?

- Non ! C'est un peuple qui se serre les coudes.

- Je suppose qu'une fois sortis de l'enfer de la chaleur, ils ont droit à un toilettage de 1ère classe ?

- Ils sont démoulés et mis à refroidir. Ensuite, des couturières les habillent de leurs pinceaux. Parfois on peint les cheveux et la barbe au pistolet.

- Comment se fait-il qu'ils portent tous la barbe ?

- Personne ne l'a jamais su. On dit que cette pilosité abondante est source de magie."

Je restai pensif sur cette révélation. En ce qui me concernait, une barbe de trois jours suffisait à me cataloguer de délit de sale gueule.

" - M. Gulliver, quel intérêt d'avoir ces figurines rikiki dans un jardin ?

- Vous avez perdu votre âme d'enfant depuis fort longtemps, John. Les voir gambader sur la pelouse est un émerveillement.

- Vous exagérez. Ils sont aussi mobiles qu'un fonctionnaire derrière un guichet.

- Détrompez-vous, ils véhiculent une énergie positive forte. Mon gazon n'a jamais été aussi verdoyant depuis qu'ils se sont installés chez moi.

- Merde ! Ils auraient pu dépanner le Stade de France.

- Impossible, le sol est trop pollué.

- Pourtant, comme agent de surface, on ne peut pas faire mieux.

- Ah ! Ah ! Ah ! Vous êtes à côté de la plaque. Contrairement aux idées reçues, les nains de jardin on désertifié les profondeurs du sous-sol depuis 1872.

- A cause des obus ?

- Non ! Les anciens proviennent du peuple germain.D'après la légende, deux géants se disputèrent la terre. L'un d'eux mourrut après un combat acharné. Le corps du vaincu commença à se décomposer. Des petites larves apparurent.

- C'est glauque !

- Les mythes ne sont pas toujours agréables à entendre. Le géant qui avait survécu fit de ces déchets visqueux des nains au profil d'être humain. Mais leur domaine restait les entrailles de la terre."

Un détective a toujours l'habitude d'encaisser pas mal de conneries. N'empêche, il y avait de quoi affranchir ma curiosité.

" - Que faisaient-ils sous terre ?

- Ils creusaient des galeries souterraines, jusqu'au jour où l'une d'entre elles croisa celle des mineurs de Bavière. Ainsi, ils commencèrent à organiser des expéditions nocturnes et étudièrent progressivement le monde végétal.

- C'est romantique, votre histoire.

- Les nains acquirent petit à petit les connaissances d'un jardinier, ce qui les révéla au monde des humains.

- Et depuis, ils squattent ?

- Ils n'entrent pas dans une propriété privée sans le consentement de l'intéressé.

- O.K. ! M. Gulliver, votre récit ne manque pas d'intérêt, mais vous avez eu ce matin un preneur de têtes assez expéditif. Vous a-t-on personnellement menacé de mort, dernièrement ?

- Non ! Vous croyez qu'ils se sont gourés de cible ?

- Peut-être... Ne vous voyant pas dans votre demeure, le meurtrier s'est attaqué à plus petit que vous.

- Ce sont vos premières conclusions de détective ?

- Ouais ! Jusqu'à la prochaine hécatombe."

Je quittai M. Gulliver sur le champ. Il n'y avait pas assez d'éléments pour déterminer une direction dans les recherches du criminel. Simon Verdelain me tapa sur l'épaule pour me consoler.

" - Désolé de vous avoir fait perdre votre temps, John Wilson Bred. On va classer l'affaire dès demain. Je vous dépose à la gare ?"

Je fus surpris par tant d'impatience des autorités à me voir quitter Lausanne. Décidément, abandonner Paris n'est pas bon pour ma santé.

© MEGACOM-IK & Phil Marso

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numero10.jpg (4030 octets)

I.V.G LA PEUR AU VENTRE  de Phil Marso

Extrait 1ème partie :

10h, Mafoin m'emmena devant l'enceinte d'une clinique. Un périmètre de sécurité avait été déployé. Les flics étaient à cran derrière leur voiture qui bloquait l'accès. Mafoin m'expliqua le topo.

" - Voilà, Spermato et ses frangins se sont introduits là-dedans.

- Dans quel but ?

- Foutre la merde !

- Je n'y comprends rien, Mafoin.

- Vous connaissez la spécialité de Spermato, John.

- Ouais ! La prise d'otage.

- Et ses conneries peuvent durer neuf mois.

- Ok ! Mais il y peut avoir des fins heureuses.

- Bien sûr ! Seulement, ici, il n'a pas eu besoin de complice conjugal pour faire son coup.

- Ah, c'est ennuyeux...

- Oui ! Il y a des femmes à l'intérieur.

- Génial !

- Ne vous excitez pas, John. On a pas encore les mensurations.

- Quels sont les exigences de Spermato ?

- La routine ! Il veut ramasser le paquet.

- Il s'évalue à combien aujourd'hui ?

- 2,6 Kg, voir 3-4 kg par tête de pipe multiplié par le nombre de gonzesses se trouvant à l'intérieur.

- Combien sont-elles ?

- Aucune idée... Mais des tas !

- C'est le gros lot !

- Seulement, il y a un hic.

- Il les a déjà toutes niquées ?

- Arrêtez vos conneries, John. Les femmes qui sont à l'intérieur ne veulent pas collaborer comme appât du gain.

- La grossesse ?

- Ouais ! Elles ne le désirent pas.

- Que veulent-elles alors ?

- Elles veulent en terminer au plus vite par l'I.V.G.

- Ça va être le massacre, un bain de sang !".

Mafoin fronça les sourcils.

" - John ! Ne me dites pas que vous êtes de leur côté.

- Hein ?

- La police municipale veut empêcher notre intervention.

- Quels sont ses motifs ?

- Elle veut nous faire croire qu'il y a plus de monde à l'intérieur qu'il n'y paraît, qu'il faut sauver des vies, des enfants.

- Il y a des gosses ?

- Non ! Ce sont des légendes... Spermato s'est acoquiné d'une petite ovulita qui a quitté le toit familial à Ovaire sur Oise.

- Ils se sont rencontrés en chemin ?

- Oui, elle était à l'entrée d'une trompe.

- D'éléphant ?

- Non ! Un tunnel.

- Ça mène où tout ça ?

- Direction l'Utérus !

- Uranus, Jupitus, Neptus !

- Vous êtes dans la lune John, comme la petite ovulita. Logiquement, le trajet se passe sans problème. Seulement, Spermato était là avec son 38 Tonnes, longueur 16 cm.

- C'est peu !

- Juste assez pour séduire la petite ovulita qui s'est fait lever le pouce pour se faire prendre en stop.

- L'allumeuse !

- Vous êtes marrant, John. En pleine obscurité, elle n'avait guère le choix. Et puis, le plaisir est du voyage.

- Ensuite !

- Et bien, spermato et la petite ovulita font leur affaire. Une fois accouplés dans l'extase cellulaire, ils cassent la graine en se faisant un oeuf sur le plat. En terme de cuisine, on appelle ça la fécondité. Une fois arrivés à Utérus, ils s'installent dans une chambre "Muqueuse utérine".

- C'est classieux !

- Non ! Juste un nid douillet pour préparer la grossesse.

- C'est un joli conte de fée que vous me racontez-là, Mafoin.

- Certes ! A condition que la maison-mère accepte ce remue-ménage.

- Evidemment cela doit être le fruit d'un amour partagé.

- Seulement, les femmes qui sont à l'intérieur de la clinique n'acceptent pas la présence de spermato au plus profond de leur corps.

- Le cochon il est passé par les égoûts pour faire son coup.

- Non !

- Ne me dîtes pas qu'il s'est pointé à l'entrée principale, les mains dans les poches.

- Si !

- Quel audace !

- Cet enfant de pute ne doute de rien".

L'homme qui avait prononcé cette dernière phrase se tenait maintenant à côté de nous.

" - Vous êtes gonflé, Marcel Giclard !

- Qu'est-ce que ça peut vous foutre ? Ceux qui sont à l'intérieur, on les ceinture en douceur. Ça prendra du temps, mais il y a des vies en jeu.

- Minute Giclard ! Rien ne nous prouve que Spermato a fait des petits.

- Vous n'allez pas m'emmerder avec vos méthodes d'investigations scientifiques. Spermato est entré. A coup sûr, il est dans l'affaire".

Je m'empressai d'intervenir pour soutenir l'hypothèse de Mafoin.

" - Giclard ! Faudrait tout de même analyser la situation avant de s'emballer".

Il n'apprécia pas ma réflexion.

" - C'est qui cet avorton ?".

Mafoin me présenta.

" - C'est le détective John Wilson Bred. Il peut nous être utile dans la négociation.

- C'est bien mon avis, Mafoin. On est sur la même longueur d'onde. On négocie jusqu'à neuf mois.

- Non ! Tout dépend ce que souhaite ces femmes qui sont à l'intérieur de la clinique.

- Ok ! Mais à plus de 10 semaines, je prends le relais".

Marcel Giclard s'en alla sans nous dire au revoir.

" - Désolé, John... Ce type-là va nous donner du fil à retordre.

- Qu'est-ce qu'il entendait par dix semaines ?

- Merde ! Ça promet... John ! La loi en France autorise l'I.V.G à 10 semaines de grossesse maximum.

- C'est peu !

- Ouais ! Sans compter qu'on va avoir sur le dos Marcel Giclard et son commando anti-I.V.G qui se croit tout permis sur la place publique.

- J'ai une question qui va vous paraître stupide, Mafoin.

- Allez-y ! Je vous écoute...

- En langage courant ça veut dire quoi I.V.G ?".

Mafoin devint pâle.

" - John ! Ne me dîtes pas que vous ignorez la signification de ces initiales ?

- Interruption Volontaire de Grossesse.

- Ouf ! Vous m'avez fait peur.

- Parlons d'avortement.

- Facile à dire, mais à notre époque on préfère se cacher derrière ces initiales pour rester discret.

- Je comprends... On culpabilise un maximum.

- Une prise d'otages ce n'est pas si simple à régler avec Spermato.

- 28 jours, je crois.

- Et bien chez la femme, on peut dire que son cycle menstruel est de 28 jours. Mais, c'est pas toujours le cas. Il y a parfois des variantes.

- C'est-à-dire...

- Elle peut avoir ses ragnagnas en retard.

- Et alors qu'est-ce que ça change ? Le tampax est au sec au moins.

- Certes... Mais, pour savoir si Spermato a circulé dans le secteur, il y a un signe qui ne trompe pas chez la femme. Si elle est à la bourre...

- Remarquez, avec Spermato c'est toujours le cas.

- Arrêtez vos conneries John !

- O.K ! Je me calme.

- Ouais ! Sauf, quand le mec apprend que sa gonzesse a du retard. Il pique sa crise.

- Moi, le premier. J'aime quand elles sont ponctuelles.

- O.K, mais un rencard tous les 28 jours c'est pas évident à tenir. Il faut peu de chose pour que la nana se dérègle.

- Bien sûr ! Elles ont toujours à nous baver une excuse au bout des lèvres.

- Je sais ! Mais il suffit d'un voyage, d'une émotion violente, d'une maladie bénigne et les deuches ne sont pas au rendez-vous.

- Le mec est dans de beaux draps.

- Tout dépend dans quel état d'esprit on se trouve.

- Père ! Il y a pas de malaise.

- Là, John... C'est juste de la fiction. Un retard ne veut pas dire que la femme a fait un enfant dans le dos.

- N'empêche ! Ça vous ramollit les boules. Je me suis déjà retrouvé dans cette situation. Mon ex, Brigitte, m'a rassuré par courrier, ensuite.

- Que disait-elle dans sa lettre ?

- Ne crains rien chéri, j'ai dû changer les draps.

- C'est du propre !

- Au moins c'est aussi clair qu'un verre de grenadine.

- Le mieux est de faire un test de grossesse au moindre doute. On ne le répète pas assez souvent.

- Surtout les médecins.

- C'est vrai ! Ils ne le conseillent pas systématiquement à leur patiente. Mais il y a d'autres signaux d'alarme quand Spermato arrive à ses fins. Les nausées, le gonflement des seins , parfois douloureux, la tendance au sommeil.

- Quel cirque !

- Il y a aussi le numéro d'équilibriste du thermomètre. Il suffit que la donzelle prenne la température rectale.

- Ouais ! c'est 37,2° le matin.

- Si à chaque lever du jour, ça dépasse les 37° sur plusieurs semaines, il a des chances.

- Moi, je suis toujours chaud le matin. Ça risque de brouiller les pistes.

- Ça n'intéresse personne !

- C'est vous qui le dîtes. La prochaine qui frappe à ma porte. Je la kidnappe !

- Et bien, pourvu que vous ne tombiez pas sur la préposée aux poste.

- Oh ! Ça serait vite envoyé.

- John ! Dans tous les cas de figures, il est recommandé de faire un test de grossesse. Pigé ?".

 

10h30, Mafoin me dirigea vers son Q.G implanté dans une annexe de la clinique. Il convoqua Louis Gynéval.

" - Alors, quoi de neuf ?

- Rien !

- Comment ça ?

- On est dans le brouillard !

- Expliquez-vous !

- Et bien, on n'a pour l'instant aucune identité des femmes retenues.

- Normal ! On est dans un centre d'I.V.G. L'anonymat est garanti.

- O.K ! Chef ! Mais... On ne sait toujours pas combien de femmes sont prises en otage.

Mais le plus grave c'est que l'on n'a détecté aucune présence de l'auteur de tout ce bordel.

- Vous parlez de Spermato ?

- Oui ! Il est carrément invisible.

- Ne me dites pas que c'est une fausse couche.

- Ça m'en à tout l'air.

- Déclenchez la phase 1, nous en aurons le cœur net.

- O.K , patron".

10h59, un microscope électronique à balayage et du matos de fibres optiques sont installés à la hâte. Je suis moi-même impressionné par les moyens techniques mis à la disposition de Mafoin.

" - C'est fou !

- Pas tant que ça, John. On ne doit rien négliger. On doit savoir comment Spermato a pu se volatiliser.

- C'est impossible ! Les femmes ne seraient pas terrorisées au point de demander l'I.V.G.

- Bien vu, John ! Il y a quelque chose qui a dû nous échapper".

Le microscope installé sur une table, Gynéval enfila une paire de gants en caoutchouc. Il ouvrit l'armoire à pharmacie et se saisit d'une palette de petites épouvettes de la grosseur d'un tube d'aspirine.

" - Patron, il me faut des volontaires".

Mafoin se retourna pour me dire :

" - John, ça vous dirait une petite branlette ?".

Etonné par cette proposition, je m'insurgeai.

" - Mafoin, vous n'avez pas besoin de moi pour ça.

- Juste un coup de main.

- C'est déjà trop.

- Ah ! Ah ! Gynéval va vous expliquer ce qu'il attend de vous.

- Je ne suis pas du genre à baisser mon froc.

- Nous non plus".

Le docteur remua le tube sur un air de samba.

" - M. John Wilson Bred, il nous faut un peu de votre semence. Nous allons faire une simulation en grandeur nature.

- Ah ! que dois-je faire ?

- Vous agiter la nouille dans la pièce à côté.

- Euh... J'ai pas un spaghetti.

- On s'en fout de la longueur. Ce qui compte c'est la sauce qui en découle.

- O.K ! Je suis votre homme".

 

11h15, pas très fier... Je me pointe avec le tube au cinquième rempli. Gynéval a déjà devant lui une quinzaine de tubes.

" - Docteur, j'ai fait mon possible.

- Rassurez-vous, il y a une baisse de la fertilité chez l'homme.Dans les années 50, on comptait 120 millions de spermatozoïdes par millilitre du liquide séminal. Aujourd'hui, nous en serions à 60 millions.

- Le carnage !

- L'homme est encore fertile avec 5 millions".

Un ordinateur PC trône à côté du microscope. Gynéval extirpa ma semence du tube pour la déposer sur une plaquette de verre. Il appuya sur un bouton pour faire pivoter un téléobjectif.

" - Qu'est-ce que vous faites docteur ?

- Je photographie vos spermatozoïdes pour les mémoriser dans une disquette informatique.

- Ils tirent qu'elle tronche ?

- J'en sais foutre rien. On aura ça quand on les aura injectés dans l'ordinateur".

Négligemment, il retira la plaquette de verre et à l'aide d'un coton, il se débarassa de mes spermatozoïdes. Il répèta la même opération avec d'autres tubes de sperme.

 

12h20, Mafoin m'invita dans une salle munie d'un écran géant.

" - On se paye une toile, commissaire ?

- Nous allons assister à la projection des spermatozoïdes dans le vagin d'une femme.

- Dans quel but ?

- Savoir ce qui a bien pu se passer pour que Spermato ne soit plus visible dans l'oeil des caméras de la salle des coffres.

- Vous voulez dire dans le ventre de la mère.

- Ouais !

- Comment va-t-on analyser la situation face à cet écran géant ?

- L'ordinateur nous communiquera en sous-titre ce qui se passe. Et nous pourrons l'interroger à tout instant".

12h30, le générique commença face à un écran noir :

" Oh ! Oh ! Oh ! Oui ! oui..... Hum ! hum ! Hum ! Viens ! Viens !".

Quinze minutes plus tard, l'écran était toujours obscurci avec toujours des bruits sonores jouissifs.

" - Mafoin, c'est une superproduction.

- Les mecs se donnent les moyens.

- Ça va durer longtemps ?

- S'il est en bonne position, on risque de poireauter un bon bout de temps".

Dix secondes plus tard, l'écran changea d'aspect. Fin du générique.

" Sphash !".

Une grosse goutte inonda l'écran. L'ordinateur s'exécuta.

" - Ejaculation réussie. 3 millilitres de liquide séminal viennent de se propulser contre l'orifice externe du col de l'utérus situé au fond du vagin. Les bourses ont une température de 35°. Les spermatozoïdes sont de bonne qualité".

Le docteur Gynéval intervint dans un micro.

" - Combien y-a-t-il de spermatozoïdes ?

- 500 millions" répondit l'ordinateur.

" - Etes-vous capable de localiser l'heureux élu, Spermato ?

- Impossible !".

La grosse goutte sur l'écran s'éclata pour faire émerger les spermatozoïdes en puissance.

" - Spermatozoïde identifié ! Il ressemble à un tétard muni d'une très longue queue. Dimension 6 centièmes de milimètres".

L'armée de l'ombre nageait dans le brouillard le plus total. Tel un marathon, beaucoup d'entre-eux tomberaient.

" - Euréka ! L'ovulita vient d'être libérée.".

Sur l'écran apparaissait un petit soleil en fusion pétillant de vitalité. Cool !

" - D'où vient l'ovulita ?

- Ovaire gauche, affirmatif !

- Quelle direction ?

- La trompe de droite peut-être".

L'ovulita hésitait...

Dans un dernier élan, elle s'engouffra dans la trompe gauche.

" - Elle est coquine !

- Vérifiez s'il elle a dans ses bagages les 23 chromosomes requis pour assurer l'hérédité".

L'ordinateur s'agita avec des millions de chiffres défilant comme sur un compteur de flippeur.

Le docteur Gynéval s'essuya le front à l'aide d'un kleenex. Anxieux, il baissa la tête n'osant plus regarder l'écran.

" - Rien ne manque ! ".

12h55, les spermatozoïdes regroupés en unité d'élite s'étaient passés le mot.

" - Objectif : trompe gauche".

Ils s'élancèrent héroïquement tous ensembles.

" - Attention ! Acidité vaginale maximum".

Telle une rafale qui balayait tout sur son passage, l'hécatombe atteignit son point culminant. L'obscurité était complète. Alors qu'à quelques centimètres de là, l'ovulita continuait sereinement son trajet dans la trompe.

L'ordinateur annonça laconiquement : " Pertes lourdes !".

Gynéval ne s'empêcha pas de lâcher :

" - Pourtant , je devrais m'habituer à ces images... Chaque fois, j'ai l'impression de mourir avec eux.

- Allons, docteur... Pas de sentiment, ce n'est qu'une giclée de sperme.

- C'est vrai... Vous avez raison, commissaire".

Les rescapés devaient maintenant cheminer à travers la glaire cervicale. La montée était périlleuse, mais salutaire car elle permettait aux spermatozoïdes d'atteindre la trompe.

" - Alors, ça bouchonne toujours ?".

Marcel Giclard venait de faire irruption dans la salle.

" - Qui vous a permis d'assister à la projection ?

- Personne ! J'ai pris le droit.

- Je pense que vous ne serez guère utile à ce stade.

- Du foetus ! ".

Le docteur Gynéval protesta.

" - Oh ! Oh ! Vous allez raconter vos conneries ailleurs.

- Minute ! On ne va pas le laisser crever sous nos yeux ce tout petit.

- C'est juste une simulation.

- Laissez-le vivre !".

Mafoin était lègèrement embarrassé. Virer de front l'incrusteur serait concèder l'aveu d'impuissance vis à vis de l'énigme à élucider. Bien sûr, il fallait s'attendre à des propos extrémistes de l'intéressé.

" - Prenez place, Giclard. On a un sérieux problème.

- Lequel ?

- On n'arrive pas à localiser Spermato dans la salle des coffres du ventre de la mère.

- Impossible !

- On pense à une fausse couche spontanée.

- Ecoutez ! Spermato, c'est un homme. Il ne rate jamais son coup pour s'introduire.

- Il peut y avoir des imprévus comme le système de surveillance Capote-Swing.

- Ah ! Ah ! Spermato c'est un braqueur de première. Il s'arrange toujours pour déjouer Capote-Swing.

- Comment ?

- Ce n'est pas la question. Spermato, sûr qu'il est déjà à l'intérieur. C'est un mec réglo ! A moins que....".

Le visage de Giclard se décomposa.

" - L'enfoiré ! Spermato est P.D !".

Nous nous regardions tous les trois, Mafoin, Gynéval et moi-même déconcertés.

" - L'hypothèse est exclue. Même homosexuel, on peut faire des gosses" confirma l'un de nous.

" - Ah oui ! Je ne vous apprendrais pas que l'ovulita est toujours porteur d'un chromosome X.

- En effet" répondit le docteur.

" - Le spermatozoïde en la personne de Spermato est porteur d'un chromosone X.

- Ou Y.

- N'empêche, le résultat est que lorsque deux X se rencontrent., ça donne une tapette.

- Erreur ! Une fille. Et si X s'acoquine avec Y cela donne un garçon".

A court d'arguments, Giclard fit une pirouette pour sortir de cet état de fait.

" - Et merde ! Je me tire. Prenez votre temps. 10 semaines, pas un jour de plus".

Nous regagnâmes nos places. L'interruption de la séance n'avait duré qu'à peine dix minutes.

L'ordinateur communiqua les derniers chiffres.

" - La distance entre l'ovulita et le bataillon de spermatozoïdes est de 15 à 18 centimètres.

- Vous parliez d'une armée tout à l'heure.

- Exact ! Mais je me permets de rectifier le tir. Il reste cent spermatozoïdes.

- Et les autres ?

- Liquidés !".

Les causes étaient multiples. Les millions de fantassins étaient en mauvaise condition physique. La fatigue avait pris le pas. Sans compter les défenses immunitaires de globules blancs chargés de faire face contre tout ce qui était étranger à l'organisme de la femme.

" - Pouvez-vous identifier Spermato parmi la centaine de survivants ?

- Trop tôt !".

Les rescapés n'étaient plus loin du but.

" - Arrimage dans 10 secondes. 5, 4, 3, 2, 1.. Zéro !".

L'ovulita venait enfin à la rencontre des spermatozoïdes. Chacun d'entre-eux se colla la tête dans une membrane contenant l'ovulita. Ainsi commença un étrange ballet. Les spermatozoïdes firent lentement tourner l'ovulita dans le sens contraire à celui des aiguilles d'une montre.

" - Quel voyage sidéral !" s'exclama Mafoin.

" - C'est pas le remake de 2001, l'odyssée de l'espace, commissaire. Les spermatozoïdes essayent de forer dans la membrane de l'ovulita".

Le suspens était à son comble. Soudain ! L'image de l'écran se brouilla. L'ordinateur s'alarma.

" - Introduction ! Introduction !".

A l'écran tout était confus.

" - Bordel ! On l'a perdu".

Le docteur Gynéval parlait de Spermato qui avait semble-t-il réussi à entrer à l'intérieur de la membrane.

" - L'élu a laissé quelque chose sur place".

L'image de l'écran fut rétablie par miracle.

" - Ordinateur, faites-nous vite un gros plan dessus".

On put distinguer une sorte de filament.

" - Identification, demandez !".

On entendit un léger bruit d'appel d'air.

" - C'est le flagelle d'un spermatozoïde qui peut se résumer par un corps sans la tête.

- Ah ! Et la tête ?

- Introuvable dans le secteur".

Le Dr Gynéval fut enfin satisfait.

" - Commissaire, on vient de résoudre l'énigme.

- Ah !

- Selon toute probabilité, la tête de Spermato est à l'intérieur de l'ovule.

- C'est insensé ! 500 millions de pauvres spermatozoïdes qui se ruent juste pour avoir le privilège de se faire décapiter.

- C'est un rusé Spermato".

N'étant pas intervenu depuis le début de la séance, je pris enfin la parole.

" - Commissaire, vous n'allez tout de même pas me faire avaler que vous découvrez cela, aujourd'hui ?

- Non ! Bien sûr... Mais, il est bon de soumettre ce film à toute personne qui se sent concernée par le sujet de la grossesse.

- Dans quel but ?

- Et bien montrer la version originale du film des évènements. Voyez-vous, depuis la censure moraliste, on aurait tendance à transformer cette vérité en téléfilm du samedi soir.

- Les commandos anti-I.V.G s'en donnent à cœur joie.

- Ouais ! Ils ont une autre version là-dessus. Seulement, nous détenons la vérité et eux essayent de la maquiller pour l'enlaidir.

- On peut se tromper dans les sous-titres.

- Non ! Vous allez comprendre pourquoi en voyant la suite de nos recherches scientifiques".

L'écran montrait maintenant la tête de Spermato complètement éclatée.

" - L'Acide Désoxyribo Nucléique commumément appelée A.D.N que contenait la tête de Spermato vient de pénétrer dans le plasma cellulaire de l'ovulita".

Le mystère de l'A.D.N me fut ainsi révélé.

" - John, vous comprenez maintenant l'intérêt de la police scientifique ?

- Euh..

- Faîtes un arrêt sur image '".

L'écran s'immobilisa, mais pas l'ordinateur.

" - L'A.D.N est le message hériditaire".

Mafoin me fit la leçon.

" - L'A.D.N est très utile à connaître dans une affaire de viol, mon cher John Wilson Bred. Il suffit de prélever le sperme laissé par l'agresseur et de le comparer avec celui d'un suspect qui parfois est l'idéal coupable pour mes confrères un peu trop zélés".

Les images défilèrent à nouveau.

" - Fusion proche !".

A l'extérieur, quelques vaillants spermatozoïdes tentaient à leur tour de pénétrer dans la membrane. Ce fut peine perdue, car celle-ci avait condamné l'entrée et par la même occasion l'espoir de ces tétards. Héroïquement, ils continuaient leur ballet afin de faire progresser l'ovulita vers l'utérus.

" - Fusion opérationnelle !".

L'ovule et l'A.D.N de Spermato faits de deux noyaux distincts se mélangèrent. L'ordinateur accéléra le mouvement côté horaire. Entre la rencontre et ce qui se passait alors, à ce moment là s'écoulèrent 20 heures.

" - 30 ème heure !".

La fusion réalisée devint un oeuf qui se divisa une première fois en deux cellules.

" - 2 jours !".

Les cellules continuèrent à se diviser majestueusement. On pouvait les distinguer dans une transparence fluorescente. L'héridité du père et de la mère étaient en marche, mais pour combien de temps ? Le docteur Gynéval eut encore une poussée de fièvre dans le micro.

" - Attention ! Le moment est délicat. L'oeuf va-t-il sortir sans encombre de la trompe ?".

L'oeuf avançait lentement. Le suspens était insoutenable. Dans la réalité, nous aurions dû attendre deux jours de plus. L'ordinateur nous évita cette longue attente semée de doutes.

" - 4 jours !".

L'oeuf fut expulsé sans encombre.

" - Docteur ! Avons-nous échappé à la grossesse extra-utérine ?

- Oui ! L'oeuf n'est pas resté dans la trompe".

Mafoin en connaissait un rayon.

" - Vous êtes largué, John ?

- Trop souvent, hélas. Elles ne restent jamais avec moi.

- Pourquoi ramenez-nous tout sur votre cas de célibataire ? C'est vraiment une fixation chez-vous, John ?

- Ouais ! Vous ne connaissez pas votre bonheur, commissaire.

- Peut-être bien... De toute façon, je suis toujours à traîner dehors. Ma femme me le reproche souvent.

- Et bien, si vous avez besoin d'une doublure. Je suis votre homme".

Mafoin me regarda droit dans les yeux.

" - Ce n'est pas son style. Elle préfère les mecs authentiques comme moi.

- Je plaisantais.

- Et bien si l'oeuf joue le malin en restant dans la trompe.

- Comme l'amant dans un placard ?

- Ouais ! Il risque de provoquer un éclatement de la trompe et une hémorragie interne qui peut être gravissime.

- L'oeuf a donc intérêt à se tirer en quatrième vitesse.

- Quatre jours ! Le docteur l'a dit à l'instant. Vous écoutez ?

- Toujours aux portes.

- Ok ! N'empêche, on est obligé d'évacuer l'oeuf chirurgicalement.

- L'angoisse !

- L'ablation de l'oeuf et parfois de la trompe doit se faire en urgence.

- Ce n'est pas ma faute.

- Non ! Ceci est dû à des séquelles d'infections génitales à cause d'une M.S.T.

- Ok ! L'oeuf est évacué de la trompe. La question ne se pose plus".

Mafoin ne se résigna pas.

" - Et l'interruption spontanée de grossesse qu'en faites-vous ?

- Vous me parliez d'I.V.G tout à l'heure.

- Justement ! Les partisans de Gyclard se taisent sur le sujet.

- Expliquez-vous ?".

Satisfait de mon ignorance, il déversa sa science du terrain.

" - John, la nature fait parfois bien les choses. Elle a l'esprit de conservation pour se protéger des aberrations génétiques.

- Je n'en crois pas un mot".

Mon interlocuteur prit sa respiration pour ne pas s'énerver.

" - Imaginez un instant que vous êtes sur le point de faire un braquage.

- Ouais ! L'idée est séduisante.

- Attention ! Pas une banque, juste une épicerie de quartier.

- Pour l'entraînement ?

- Non ! Pour l'ancienneté. Il faut un début à tout.

- Quel rapport avec les aberrations génétiques ?

- J'y viens. Le braquage, vous êtes à deux pour le faire.

- On partage les risques.

- Sauf que le partenaire est complètement branque !

- On va se marrer !

- Non ! Le coup va foirer. C'est ça les aberrations génétiques quand deux spermatozoïdes se glissent dans l'ovule. Il y a rejet immédiat.

- C'est ça l'interruption spontanée de grossesse ?

- Ouais ! Seulement, personne ne s'aperçoit de rien, ni même la femme qui n'a pas ses règles en retard".

Mafoin resta silencieux pour que je puisse comprendre la mécanique de la nature humaine. Il épia ma réaction. J'en souris.

" - Il faut vraiment être con pour se faire une épicerie avec un déjanté de première. Sûr qu'avec un type pareil, je ne franchis pas la porte de la boutique.Et puis, pas besoin d'être deux pour se faire l'épicerie.

- Ouais ! En solo, comme le spermatozoïde.

- Ah ! Ah ! Ah !

- Bordel ! si la science pouvait s'expliquer ainsi ça éviterait les cours de rattrapage à Fleury Mérogis".

Le docteur vit d'un mauvais oeil notre raccourci pour son métier.

" - Allons ! Messieurs, ne nous égarons pas. J'ai fait de longues études pour en arriver-là".

Je ne pus m'empêcher d'ajouter.

" - Bah ! Chacun sa filière, le truand besogneux en prend pour vingt ans. Sauf qu'à la sortie il doit recommencer à zéro".

Le docteur s'énerva.

" - Et alors, ça lui apprendra à redoubler !".

L'ordinateur calma les esprits.

" - 8ème jour ! Nous entrons dans la période sympathique de la grossesse".

Une fenêtre à gauche de l'écran fit son apparition. A l'intérieur on pouvait voir le corps virtuel d'une femme. Son visage devenait irritable.

" - Qu'est-ce qu'elle a Mafoin ?

- Elle ressent les premiers signes de la grossesse.

- Ah... Et cela se traduit par ?

- L'ordinateur va nous le détailler".

Il s'exécuta.

" Bip ! Bip ! Le sujet enregistre une fatigue constante. Ses seins sont plus sensibles. Le mamelon gauche vient de prendre en 24h, six millimètres. Le droit consent à sept millimètres".

A l'écran nous pouvions voir la transformation comme si un dirigeable terminait son gonflement à bloc avant l'envol.

" - Ça laisse rêveur Mafoin".

Le commissaire était cramponné sur les accoudoirs du fauteuil. En guise de réponse, il lâcha un sifflement admiratif.

" - Attention ! Nausée imminente...".

Tandis que nous avions les yeux rivés sur la femme, l'oeuf s'arrima sur le col de l'utérus".

La fenêtre se volatilisa pour laisser place à un phénomène qui m'était inconnu.

" - Nous entrons dans la période de nidation, John !

- Ce qui veut dire ?

- Et bien l'embryon va pouvoir s'installer à son aise.

- C'est minuscule. On dirait un squat ! C'est invivable.

- Il va falloir attendre l'équipe de bâtisseurs d'intérieur.

- Késako ?".

L'ordinateur révèla une nouvelle donnée de temps.

" 12ème jour ! Veuillez enclencher le processus d'analyse des urines et du sang".

Le docteur satisfait lança.

" - On va maintenant être fixé".

J'osai m'avancer dans l'hypothèse pratique.

" - C'est le test de grossesse ?

- Oui ! ".

Dix minutes s'écoulèrent. Une lumière bleue s'illumina.

" - Mission accomplie ! Les grands travaux peuvent commencer".

La salle fut plongée dans l'obscurité complète.

" - Il y a une panne de courant, docteur ?.

- Non ! Le système nerveux va être installé".

Petit à petit, des points lumineux apparaissaient à l'intérieur de l'oeuf.

" - Il y a quelqu'un dans l'appart' ?

- Pas encore John, il faut que toutes les conditions du corps humain soient en phase.

- C'est-à-dire ?

- Taisez-vous ! Et ouvrez grand vos yeux".

L'ordinateur continua son récit.

" 21ème jour ! L'embryon mesure à peine deux millimètres de long".

Le docteur s'informa.

" - Est-ce que les bagages sont à l'intérieur ?

- Affirmatif !

- Ils sont au nombre de ?

- Nous détectons trois feuillets embryonnaires qui vont donner naissance à tous les organes propres à la vie intérieure.

- Bien... Le déballage du matos va prendre beaucoup de temps ?

- Il faut compter une semaine supplémentaire".

L'écran nous fit découvrir le miracle de la construction humaine. Le feuillet externe s'ouvrit pour laisser un matelas représenté par la moelle épinière. Un oreiller en guise de cerveau. Et le traversin fit figure de revêtement cutané couvert de cheveux.

" - C'est hallucinant !

- Chut ! Ne nous gâchez pas le plaisir, John".

Le feuillet intermédiaire prit le relais. Le sommier ayant pour nature le squelette, les ressorts déterminés par les muscles et ceux-ci tapissés de vaisseaux sanguins et lymphatiques. Des pois rouges représentés par les globules avec pour enseigne un coeur vibrant où se faufilait une circulation sanguine primitive, se dessinaient sous nos yeux ébahis; aux pieds du sommier, deux belles pantoufles synonymes de testicules ou d'ovaires suivant les circonstances de la création.

" - Il n'y a toujours personne à l'intérieur, Mafoin ?

- Minute !".

Le troisième feuillet interne déroula les draps, les couvertures où les soubressauts du tube digestif et le ronflement des poumons respiraient la chaleur de la vie.

" 4ème semaine ! L'embryon mesure six milimètres de long" constatait l'ordinateur sans émotion.

" - On dirait une crevette.

- C'est vrai. Cela y ressemble étrangement.

- La vie commencerait donc à la troisième semaine de grossesse.

- On le dit à condition que l'embryon soit pourvu d'un système nerveux. Et bien sûr, si on retient comme vérité cette preuve, les commando anti-I.V.G vont applaudir des deux mains.

- Admettons, Mafoin... Mais je me vois mal dire dans un restaurant quand on m'apportera un plat de crevettes : les enfants c'est papounet ! Cela n'a pas de sens à la vie.

- J'en conviens. Seulement, Marcel Gyclard et toute sa clique sont braqués dessus. Et ils n'en démordent pas.

- Vous êtes sûr que c'est le seul combat qu'ils mènent ?

- Non ! C'est un camouflet. En vérité, ils n'acceptent pas que la femme donne son avis sur le sujet. Ils préfèreraient la voir femme au foyer et pondeuse de tous les instants".

L'ordinateur continua son voyage extraordinaire.

"5ème semaine !".

" - Docteur ! C'est normal que le cœur grossisse et prenne plus de place que le reste ?

- Ne vous inquiétez pas, John. Le coeur s'impose à la vie. C'est lui la locomotive. Vous remarquez que les autres membres sont à peine visibles.

- Ouais ! On dirait encore des bourgeons.

- N'empêche cela suffit à rassurer à l'échographie.

- Ah bon ! On ne risque pas de griller la crevette aux ultra-sons ?

- Aucun danger ! A cette première étape de visualisation, on ne distingue qu'un sac membraneux.

- C'est aussi rassurant qu'une boite à outils mal rangée.

- Il y a un peu de ça. Mais, on peut dire que le chantier est opérationnel pour la construction de la vie humaine qui n'est encore qu'à l'étape de l'embryon".

L'embryon était maintenant à son aise. Sa tête représentait environ un quart de la longueur du corps.

" - John ! La croissance de l'embryon s'effectue toujours de haut en bas.

- Ah ! Il y a dû avoir un arrêt de chantier à mon niveau. Les enfoirés ! Ils n'avaient pas l'ambition des grands buldings. Et voilà, le travail ! 1m57, guère plus.

- Je les comprends. Vous êtes toujours en train de râler.

- Pourtant, à ma naissance je m'endormais sur le biberon.

- Ils ont du retenir en otage votre cerveau".

Mafoin excédé.

" - Arrêtez de vous chamailler. Pire que des mômes.

- Commissaire, nous n'en sommes qu'à la huitième semaine.

- Avec vos conneries, j'ai raté la formation des pieds et des mains de l'embryon.

- Oh, vous n'avez pas tout vu. On peut dire que tous les organes sont maintenant en place.

- On peut parler de foetus, alors ?

- Oui ! Mais il reste beaucoup à faire. Il manque en particulier le cerveau et les fonctions cérébrales.

- Evidemment sous cet angle là, il y a du boulot.

- Neuf mois !

- Et bien, je ne vais pas rester une minute supplémentaire à me coltiner votre exposé Docteur. A l'extérieur ça gronde !".

© MEGACOM-IK & Phil Marso 1999.

BON DE COMMANDE

Extrait 2ème partie :

19h07, une jeune femme habillée modestement fit son apparition. Charles-Edouard mit tout de suite les pieds dans le plat.

" - Mademoiselle, vous êtes en âge de procréer. 23 ans, cela va nous faire un bambin en pleine forme".

Il posa la fiche de la patiente sur le bureau d'un geste satisfait.

" - Quelle tuile ! Être enceinte alors que je viens à peine de terminer mes études".

L'homme ironisa.

" - Eh bien prenez une année sabatique.

- Vous rigolez ? Et les cinq millions de chômeurs, vous en faîtes quoi ?

- Toute façon, si la femme restait au foyer, on en serait pas là. Moi, je vous le dis".

Je me raclai la gorge pour éviter le clash dès les premières minutes de l'entretien.

" - Mademoiselle, vous avez appris la mauvaise nouvelle depuis combien de temps ?

- Sept semaines".

Mon collaborateur s'offusqua.

" - Anne-Rose, vous êtes gonflée.

- Pas autant que cette môme".

Elle craqua nerveusement et sanglota.

" - Voilà, le travail Charles-Edouard. On est là pour les réconforter, pas pour les terroriser".

L'homme comprit qu'il avait mal engagé la conversation. Il extrait de sa poche un kleenex et le tendit à la jeune femme.

" - Allez, mouchez-vous un bon coup. Cela va passer !

- J'aimerais bien. Mais, plus vite je serai débarrassée de ça, mieux je me porterai.

- Vous savez, une femme enceinte a du charme.

- Ça se voit que vous n'avez pas des nausées du matin au soir.

- Cela ne va pas s'éterniser.

- Si ! Cela a trop duré !

- Votre fiancé doit bien vous consoler.

- Quel fiancé ?

- Quoi ! Vous n'êtes pas sur le point de vous marier ?

- Non !

- Et le futur père, il a votre âge.

- Je m'en souviens plus.

- Comment ça ?

- J'ai eu plusieurs aventures en quelques mois".

Charles-Edouard concèda cette débauche sexuelle.

" - Je comprends. Vous vous êtes éclatée et pour renforcer cette liaison, vous avez décidé de mettre le paquet jour et nuit avec l'homme dont vous êtes éperdument amoureuse.

- Euh... Là, vous faites erreur. Je me suis tapée trois mecs".

Complètement choqué, Charles-Edouard rougit.

" - Les trois à la fois ?

- Non ! Je les ai rencontrés en allant en boite, mais pas le même week-end.

- Quelle horeur !".

Je pris les choses en main.

" - Mademoiselle...

- Estelle Soupiral.

- Vous savez qu'il existe des méthodes contraceptives pour éviter l'entretien d'aujourd'hui.

- Oui ! Mais j'avais pas envie de me faire tripoter par le gynéco.

- Et les préservatifs vous en avez déjà utilisés ?

- Euh... quelques fois. Tout dépend si mon partenaire du moment est d'accord.

- Vous avez entendu parlé du sida ?

- Oui !".

Charles-Edouard nous coupa la parole.

" - Toute façon ceux qui couchent à droite, à gauche; méritent le sida. Cette maladie punit la perversité".

A l'aide de l'un de mes talons aiguilles, j'écrasai sans ménagement le pied du perturbateur. Il me fixa avec un large sourire.

" - Arrêtez Mademoiselle Anne-Rose Margueritte, vous me chatouillez l'orteil".

J'avais complètement oublié que le bougre était chaussé de grosses rangers.

" - Bon ! Vous me le dites, si je vous gêne" entonna, Estelle.

Je me repris.

" - Non ! On faisait une petite mise au point technique. Euh... Où en étions, nous ?

- Le sida !

- Ah oui ! Ma petite Estelle il faut prendre ses précautions. Même si vous avez un partenaire fidèle et que vous le deveniez à cause du grand amour, une petite capote glissée sur le gland en érection et hop ! Vous dormez tranquille... enfin presque !".

Charles-Edouard me fit les yeux ronds. Une nouvelle fois je lui murmurai dans l'oreille.

" - Si vous voulez les dissuader de l'avortement, commencez déjà par parler leur langage et tenter de les comprendre".

Il remua de la tête d'une façon affirmative.

" - Estelle, le préservatif vous évite d'avoir des M.S.T, en clair ! Des maladies sexuellements transmissibles. Il fait aussi barrage au sida et bien entendu à sa vocation première de ne pas tomber enceinte. Néanmoins dans ce que vous nous avez dis, je vous recommande un petit test de dépistage pour vous éviter des angoisses supplémentaires".

Charles-Edouard se remit en selle.

" - Revenons à l'enfant, mademoiselle Soupiral, je vous prie.

- Je serais incapable de l'élever.

- Vous savez, la fibre maternelle s'acquiert vite quand on est confronté à cet heureux événement.

- Ah ouais ! Et ma carrière professionnelle ?

- Elle attendra deux ans.

- Impossible ! J'ai une opportunité.

- Oui ! Celle d'avoir une fille ou un garçon.

- Non ! On me propose d'être hôtesse dans une grande compagnie aérienne;

- Je vois. Cela ne vous changera guère pour vous envoyer en l'air.

- Et non ! Je m'occuperai de l'accueil des voyageurs pour enregistrer leur bagages.

- Et vous croyez que cela va vous mener loin ?

- Un peu. Je dois justement faire ce stage car je compte faire partie du service "Ressources en personnel" dans cette compagnie.

- Justement ! On a besoin d'enfants en France, avant tout. Montrez l'exemple !

- Non ! C'est pas le bon moment pour moi, Monsieur !!!

- Et l'enfant dans tout ça, il a son mot à dire tout de même".

Estelle interloquée demanda des explications.

" - Vous êtes sûr que votre collègue est dans le bon service de la clinique ?

- Excusez-le... Il sort d'une grave dépression nerveuse. Il a appris il y a un mois, que le père qui l'a élevé, n'était pas le géniteur".

Charles-Edouard vira au blanc.

" Mademoiselle Estelle Soupiral, vous êtes toujours d'accord pour avorter ?

- Evidemment !

- J'ai juste une dernière question à vous poser.

- Allez-y ! Je serai franche avec vous.

- Bien ! Vous souhaitez avoir des enfants plus tard ?

- Oh oui ! Je compte même fonder une famille. Mais vous savez qu'aujourd'hui, on n'est sûr de rien. Alors, je préfère d'abord bien remplir ma vie de femme sur le plan professionnel. Une fois que j'aurai estimé avoir atteint cet objectif et rencontré l'homme de ma vie, je désirerai avoir plusieurs enfants.

- Bien ! C'est ce que je voulais vous entendre dire, Estelle.

- Que dois-je faire maintenant ?

- Vous allez dans la cabine n°2 au fond du couloir où vous aurez tout le loisir de prendre votre ultime décision".

Estelle allait à nouveau pleurnicher. Je rajoutai.

" - Le temps que l'on vous fixe un rendez-vous rapide pour l'avortement".

Elle se leva et nous serra la mains.

Charles-Edouard ne manqua pas de me rappeler à l'ordre.

" - Anne-Rose, qu'est-ce qui vous a pris de raconter des bêtises sur mon père.

- Voyez-vous on était à deux doigts de perdre cet enfant.

- C'est déjà fait. Avec ce que vous lui avez mis dans la tête, l'enfant ne risque pas de naître.

- Mais non ! Je parlais d'Estelle. Vous l'avez agressé de front. Je vous aurais laissé faire, cette gosse terminait vieille fille". Je rajoutai même pour faire bonne mesure.

" Et salope !".

Charles-Edouard, dans le doute, me regarda droit dans les yeux.

" - Ah bon ! Vous le croyez vraiment Anne-Rose ?

- Bien sûr !" dis-je hyprocritement

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TUEUR DE PORTABLE SANS MOBILE APPARENT de Phil Marso

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3 heures du mat – L’imprimante laser fonctionnait à plein régime. Si vous croyez qu’un détective privé doit se satisfaire d’unmachine à écrire poussiéreuse avec quelques touches manquantes sur un clavier poisseux de whisky… Vous êtes encore à la page des années 50 d’un vieux polar. Non, moi, j’étais équipé d’un Mac et je tripotais encore la souris à une heure plus que tardive. Le modem clignait. Je consultais les sites sur Internet. Attention ! Pas pour me brancher un client. C’était pas mon style. J’avais déjà utilisé trente-six manières pour me foutre en l’air. Le résultat était peu probant. J’en déduisais qu’il fallait confier ce travail à un spécialiste. Un tueur à gage était idéal pour régler mon compte. Je m’apprêtais à télécharger ma tronche en photo avec le libellé suivant : Cet homme est abattu, faites-en bon usage.Un internaute débutant n’aurait pu déchiffrer cette prise de commande énigmatique. Trois minutes plus tard, un virus pulvérisa mon ordinateur. C’est dire que l’info avait fait le tour de la planète Web. On cogna sèchement à la porte de mon burlingue.
« Entrez ! »
Un grand type me faisait face. Il avait un flingue armé d’un silencieux à infrarouge pointé sur mon front. Une distance de dix mètres nous séparait. Le coup était facile. La règle du jeu voudrait que l’on ne discute pas trop comme au cinéma. Seulement, le tueur était prudent.
« Êtes-vous solvable, John Wilson Bred ? »
Je n’eus pas le temps de répondre. Mon créancier tomba raide mort sur ma moquette. Le commissaire Mafoin venait de régler ma note. Il rengaina son flingos dans l’étui de son imper. Il enjamba le corps pour s’installer dans mon fauteuil. Soudain, un bruit strident se familiarisa à nos oreilles. Dring ! Dring ! Dring ! Mon sauveur s’alarma.
« John ! Ne décrochez pas ou vous êtes un homme mort ! »
La main de Mafoin avait repris du service. Il tenait un P38, camouflé au bas de sa jambe gauche. Serein, je compris qu’il avait ma vie en joue.
« Commissaire, vous arrondissez vos fins de mois en tuant sur contrat ? »
La sonnerie continuait son foutoir.
« John, je vous le répète pour la deuxième fois : ne décrochez pas !
– O K ! Vous permettez que je me renseigne sur l’état de ma pizza au micro-onde ?
– Quoi ! Ce n’est pas votre portable qui fait se boucan ?
– Commissaire, j’en suis encore aux surgelés à dix balles. Un mobilou, moi ? »
Le malentendu dissipé, nous voilà attablé devant une Marguerita irradiée. La pâte affûte nos plombages. Mon hôte rentra dans le vif du sujet.
« John, le passage de l’an 2000 n’a pas été de tout repos.
– Je vous l’accorde, commissaire.
– Le danger immédiat qui nous guettait, c’était le fameux bug informatique. Mais bon, on est tiré d’affaire. On a enchaîné sur 2001 sans trop de casse. Seulement, on a enregistré des décès accidentels depuis quelques jours dans la capitale.
– Vous voulez dire des morts suspects ?
– Exact !
– Vous pensez un serial killer qui voudrait être inscrit dans le Guiness Book de ce début de troisième millénaire ?
– Non ! On laisse ça aux Américains, John. Je vous parle de faits pas ordinaires. Figurez-vous que toutes les victimes juste avant de trépasser dans l’au-delà étaient munies d’un téléphone mobile.
– Et Alors ?
– C’est troublant !
– Mafoin, vous m’avez prolongé la vie juste pour me sortir une énormité pareille. Un Parisien sur deux dispose de cet objet de communication.
– C’est sûr, ça crève les yeux. N’importe qui dans la rue pianote dessus. N’empêche un tueur a la main trop baladeuse en ce moment…
– Qu’entendez-vous par là ?
– Il y a un fêlé qui surgit de nulle part. Enfin, disons le flingueur est sur la ligne d’écoute. C’est à ce moment précis qu’il agit.
– Ah bon ? Vous avez trouvé l’arme du crime sur place ?
– Non !
– Des douilles ?
– Non ! Tout ce que l’on a relevé, c’est une facture détaillée. Et là, ça douille un maximum. John, il s’attaque qu’au gros consommateurs.
– Vous m’étonnez à peine, Mafoin. C’est dans l’air du temps.
– N’empêche ! Ma hiérarchie ne m’adresse plus la parole depuis que je veux rouvrir les dossiers autour du téléphone mobile, classés sans suite.
– Du genre « Veuillez rappeler ultérieurement… » ?
– John, je vous charge de l’enquête.
– Officiellement ?
– Oui ! Encore que, pour mes supérieurs, vous êtes toujours aux abonnés absents…»
Mafoin se leva sans décrocher un mot supplémentaire.
21 h 30 – La porte du quatrième sous-sol du parking s’ouvrit avec fracas. Ricardo Landjo venait de donner un grand coup de pied dedans, téléphone mobile oblige ! L’attaché-caisse d’une main, il avançait d’un pas rapide vers son box privé.
« Écoute, chérie ! Je suis encore aux archives. Tu m’entends ? »
Un grésillement sournois brouilla une fraction de seconde la conversation.
« Ricardo ! Ton portable n’est pas au top. T’appelles d’où ?
– Des archives !
– Ah bon ? C’est bien silencieux.
– Normal ! Le personnel s’est déjà barré. Tu m’en veux pas, si je ne rentre pas ce soir, Amandine ?
– Non, mais combien de temps ça va durer ?
– Entre nous, Amandine ?… Jusqu’à la mort !
– Arrête, Ricardo ! J’aime pas ton humour à froid.
– Je sais… T’aurais préféré que nous en discutions sous la couette. J’y peux rien si ma patronne m’impose des heures sup’. On se rattrapera cet été.
– M’ouais ! »
Un bip résonna dans l’écouteur.
« Amandine, j’ai un double appel. Je te reprends tout de suite. »
Ricardo appuya sur la touche « R ».
« Qu’est-ce que tu glandes ? T’as expédié ta femme aux tâches ménagères ?
– Ah, Carole, c’est toi…
– Qui veux-tu que ça soit, idiot ?»
L’homme baissa sa voix.
« Carole ! J’ai Amandine à l’autre bout du fil. »
La maîtresse vociféra.
« Parle plus fort, impuissant !»
Ricardo s’empara du beeper de sa Turbor G27 2000 pour désactiver l’alarme. La portière avant s’ouvrit. Il jeta l’attaché-caisse à l’arrière. Il appuya sur la touche Assistance vocale située sur le tableau de bord. Il commença à articuler les mots-clés.
« Fermeture ! »
La portière avant glissa lentement pour se refermer automatiquement.
« Contact ! »
Un ronronnement à peine perceptible venait d’enclencher les 300 CV sous le capot de sa Turbor G27 2000. Le sourire au coin des lèvres, il encastra son mobile au centre du volant. Pendant tout ce temps, Carole avait collé son oreille à l’écouteur.
« Ambiance extérieure ! »
Le son du moteur s’amplifia à l’intérieur du bolide.Ricardo hurla :
« Alors, qu’est-ce que tu dis de ça, Carole ? »La jeune femme recula d’un bon à cause des décibels. Hargneuse, elle répliqua en criant à son tour.
« Ça va ! Sois en forme pour tout à l’heure, voyou !
– Je reprends Amandine, OK ? »
Ricardo continua ses ordres méthodiquement.
« Ambiance interne ! Chauffage ! 22 ° ! »
Il effleura malencontreusement la touche « R ».
« Ricardo ! T’avais qui au bout du fil ?»L’infidèle fut surpris par la voix jalouse d’Amandine. Le chauffage entonna un vrombissement sensuel dans l’habitacle du Turbor G27. 2000.
«– T’inquiète, chérie ! C’est le chef des ventes qui voulait que je remonte un dossier.
– C’est quoi ce bruit ?
– Euh… C’est la photocopieuse qui chauffe.
– Ricardo, je croyais que tu numérisais les documents avec ton portable.
– C’est vrai ! Mais je te l’ai dit cent fois que je ne peux pas le faire si je suis en ligne en même temps.
– Vas-y, dit que je te dérange ?
– Mais non, Amandine. »Ricardo éclata de rire.
« Tu te fous de moi ?
– Chérie ! Je rigole en pensant à ces ploucs du XXe siècle qui s’extasiaient devant cet outil désuet.
– Tu parles de la photocopieuse ?
– Évidemment ! Bon, il faut que je remonte à mon bureau, Amandine.
– OK ! J’ai compris. Je te roule un patin en attendant mieux.
– Amandine ! J’en fais de même en 10 000 exemplaires. La photocopieuse, c’est pas une rapide. T’as de quoi tenir jusqu’à demain matin. Tu vas adorer, mon amour ! »
La communication fut enfin coupée. Ricardo était l’homme le plus heureux sur Terre. Deux femmes dans le même pack d’emballage. Quand l’une est occupée, l’autre est libre. Il passa ses mains dans ses cheveux noirs. Puis, s’apprêta à saisir à la hussarde le volant de son Tubor G27 2000. L’indicatif musical du téléphone retentit. Il regarda sur le cadran digital pour mémoriser le numéro de l’appel. Aucun nombre à dix chiffres ne s’affichait. L’interlocuteur n’était même pas sur Liste rouge car les étoiles qui pouvaient respecter l’anonymat n’apparaissaient pas. À la place, une dizaine de cibles clignotaient, comme sur un jeu vidéo. Le cadre supérieur garda la tête froide. Il ne soupçonna même pas que ses supérieurs l’avaient mis à l’écart de cette nouvelle fantaisie du téléphone mobile. Bosser pour TRANSCOM, le N°1 des opérateurs européens était un privilège. N’empêche, n’être pas dans le secret des dieux aurait pu rendre hystérique plus d’un. Le mégapilote du Turbor G27. 2000 se contenta de sa réflexion première.
« Encore un emmerdeur ! »
Ricardo Landjo ne pouvait trahir sa devise « Toujours à l’éveil du monde de demain » qu’il l’avait fait grimper socialement.
« Allô !»
Personne ne se manifestait.
« Allô ! J’écoute ! »
Un silence pesant s’imprégna subitement. Il ne pouvait pas se permettre de raccrocher. C’était pas dans les mœurs de Ricardo. Son cerveau s’activa.
« Je vois. C’est un test ? »
Aucune réponse ne vint pour autant.
« Écoutez, si vous voulez que l’on prenne rendez-vous pour la semaine prochaine, J’attrape mon agenda cyberbouké et on règle ça dans la minute même. »
Une voix familière prit enfin la parole.
« OK ! Va pour un rencard avec la mort, Ricardo. »
Le conducteur faillit s’étrangler en attendant sa propre voix.« Vous m’imitez bien, monsieur. À qui je dois ce talent ?
– Ricardo Landjo !
– Allons , c’est une plaisanterie ?
– Non ! C’est le mobilou Z45678 qui a cloné votre voix. »
Une goutte de sueur coula lentement sur la joue de Ricardo avant de disparaître dans le col de sa chemise d’Oxford.
« Vous avez froid, M. Landjo ?
– Euh, non !»Le son du correspondant augmenta de volume.
« Chauffage ! 32 °. »
Le conducteur répliqua.
« Coupez chauffage ! »
Le cadran du thermomètre fléchit légèrement à 18 ° avant de remonter inexorablement.
« Chauffage 32 ° pendant dix minutes. »
Le premier réflexe de Ricardo fut de vouloir interrompre la communication en appuyant sur la touche Déconnexion. Sa propre voix venant du téléphone mobile continua ses recommandations.
« Votre Z45678 sera déchargé le 24 avril 2010 à 0 h 53. TRANSCOM vous garantit la sécurité à vie de tous nos matériels de télécommunication planétaire. »
Ricardo reconnaissait le message commercial qu’il avait maintes fois répété à ses clients au début de sa carrière de VRP.
« Portière bloquée durant quinze minutes pour tentative d’agression extérieure. »
Ricardo frappa énergiquement sur le volant pour faire taire ses ordres.
« Ceinture de sécurité inactive !»Le turbor G27. 2000 bougea soudainement de quelques centimètres.
« Essuyage optimum ! »
Un liquide mousseux aspergea le pare-brise à l’extérieur. Puis, un souffle chaud fit évaporer l’eau sale.
« 100 % de visibilité. »
Un mur bétonné se dressa à 50 mètres du bolide.
« Nous sommes sur une autoroute. Vitesse conseillée 200 km/h. »Ricardo appuya à fond sur les freins. Le Turbor G27. 2000 se crasha contre le mur. Le haut-parleur du parking termina par ce message laconique :
« Fin de la communication. »

Copyright : MEGACOM-IK / Phil Marso - Octobre 1999.

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LES MORGOUILLES

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Vendredi 13 juillet, 10h - Trente mômes dans le car, l’ambiance était top. Personne ne bronchait. Xavier, le mono avait fait un mélange comme dans les paquets de biscuits d’apéritif exotique pour le choix de nos places. C’est ainsi que je me retrouvai au fond avec une dizaine d’enfants de mon âge. Sao plongeait dans les lectures de miss Delphine qui se vouait, selon elle, à la carrière de mannequin. Elle n’arrêtait pas de se brosser les cheveux. Opio dessinait des mangas sur un bloc de feuilles. Sonia lui passait les crayons de couleurs. Amboise se demandait s’il était dans le ton avec son short en velours marron. Stéphane dormait. Franck dévorait le catalogue d’une grande surface alimentaire qu’il avait reçu dans sa boite aux lettres avant de partir. Josua matait, perplexe, la poitrine de la mono Bibi, juste en face de lui. Depuis qu’il avait découvert l’un des soutiens-gorge de sa sœur, il savait faire la différence entre un 90 C et un 90 D. Mathilde mettait déjà des notes sur nos visages. Elle me pointait du doigt :

« - Vince ! Il est petit.

- Ouais ! Une demi-portion de petit suisse. » renchérit Josua.

« - Il mérite bien un 14/20. Mais, vu sa hauteur, faut bien diviser par deux.

- Tu lui donnes 7/20, alors ?

- Non ! 7 et demi /20 parce que je suis généreuse.

- Alors, c’est qui ton préféré ?

- Pff ! Moi, évidemment ! Je suis la meilleure.

- Toi, Mathilde, tu te la joues.

- Je sais ! On m’a toujours dit que j’étais en avance pour mon âge.

- Ouais ! C’est vrai, t’es une grande. Les boutons rouges qui t’éclaboussent le visage le prouvent.

- Oh ça va, Josua !

- T’inquiètes, ça passera avec l’âge. »

Franck venait de regagner sa place. Enfin, disons ses deux places. Il était d’une corpulence ronde. Déjà, les mauvaises blagues circulaient comme dans une paille. « Boulegum est parmi nous. Il a voulu faire une bulle avec un malabar, sauf qu’il n’explose pas. Il gonfle ! C’est peut-être le fiston de la montgolfière. Il est tellement gros qu’il ne voit même plus ses pieds par terre, alors il décolle de quelques grammes, voire de plusieurs kilos. » Après tant de méchanceté de notre part, Franck ne devait pas en mener large, malgré son tour de taille imposant. Il allait forcément être le souffre-douleur de la bande. Sauf que Franck avait de l’humour en rab. Il enleva son pull-over pour faire apparaître un tee-shirt où était écrit en grosses lettres : “Ecrase !”. Juste au-dessous du mot, on voyait un sumo, le pied droit en l’air sur le point de ratatiner un gratte-ciel, le gauche, bien posé sur le sol avec autour des fissures galopantes telles les racines d’un arbre. Le message était clair. Franck avait des ancêtres sumo. Il valait mieux être pote avec lui si on ne voulait pas terminer en compote.

11h30 - Le car s’arrêta sur une aire d’autoroute, l’occasion pour les uns de se dégourdir les jambes et de manger. Pour les autres, c’était la file d’attente aux toilettes pour la vidange. Xavier tirait une caisse de la soute à bagages du car où s’empilaient nos casse-croûte. Sao intrigué me dit :

« - Tu as vu, Vince ? La bouffe est en promo.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

- Bah ! Notre repas est emballé dans un seul sac plastique.

- Je ne te crois pas.

- Regarde ! »Effectivement, les deux sandwiches, l’œuf dur, l’orange, le carré de fromage étaient compressés dans le même sac.

« - Sao ! C’est ta première colo ?

- Ouais !- Eh bien, tout est normal !

- Ah bon ! Ma maman prend souvent la bouffe dans des sacs transparents.

- Vous êtes des carnivores ?

- Pourquoi tu me dis ça, Vince ?

- Ta mère n’achète pas qu’au rayon “viande” sous cellophane.

- Parfois ! Elle prend souvent un pot-au-feu.

- Pour faire des grillades ?

- Non ! Tu n’y comprends rien. Les carottes, les navets, les poireaux sont vendus dans le même sac plastique. C’est la promo pour le pot-au-feu.

- Ah !- Alors, moi, je te le répète. Les casse-croûte qu’ils vont nous donner, c’est de la promo. Ils n’ont pas réussi à tout vendre, alors ils mélangent les restes.

- Beurk ! Tu vas me couper l’appétit avec tes histoires, Sao.

- Eh bien, si tu n’as pas faim, file-moi ton sac.

- Tu es un malin, toi ?- Je me débrouille.

- Et bien, Sao arrête ton embrouille. Qu’est-ce qui t’a mis ça dans la tête ?

- Mon grand-père Mory était griot.

- Qu’est-ce que c’est ?

- C’est un conteur d’histoires. »

Je haussai les épaules avant d’ajouter :

« - Bof ! Ce sont des histoires à dormir debout, Sao ! »

© MEGACOM-IK & Phil Marso / 2003